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Saisie-attribution de créances : conditions de délivrance d’un titre exécutoire contre le tiers-saisi

Afrique - Ohada
22/10/2019
La délivrance d’un titre exécutoire contre le tiers-saisi est fondée sur le refus de celui-ci de payer les sommes qu’il a reconnu devoir au débiteur saisi ou sur sa qualité de débiteur résultant d’une décision judiciaire revêtue de l’autorité de la chose jugée.  L’analyse de Bréhima Kaména, maître de conférences agrégé à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (Mali).
Dans cette affaire, les requérantes reprochaient à l’arrêt confirmatif n° 106 du 16 juillet 2015 de la Cour d’appel de Pointe Noire (Congo) d’avoir violé l’article 168 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) en ce qu’elle a justifié elle-même la créance de la débitrice saisie à l’égard du tiers-saisi par des motivations extérieures aux deux conditions prévues par ce texte. Or, selon eux, un titre exécutoire ne peut être délivré contre le tiers-saisi s’il n’a pas reconnu détenir des fonds au profit du débiteur saisi ou si le créancier poursuivant ne produit pas une décision judiciaire établissant que le tiers-saisi a la qualité de débiteur à l’égard du débiteur saisi. 

L’arrêt n° 059/2019 du 14 mars 2019 soulève le problème juridique suivant : quelles sont les conditions de délivrance d’un titre exécutoire contre le tiers-saisi ?

 Au visa de l’article 168 de l’AUPSRVE, la CCJA casse l’arrêt attaqué en ces termes : « la délivrance d’un titre exécutoire est fondée sur le refus du tiers-saisi de payer les sommes qu’il a reconnu devoir au débiteur saisi ; que la jurisprudence admet encore cette délivrance, lorsque la qualité de tiers-saisi du tiers résulte d’une décision judiciaire revêtue de l’autorité de la chose jugée ».

L’article 168 de l’AUPSRVE dispose qu’ « en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi ».

Cette disposition prévoit deux conditions alternatives : une dette reconnue par le tiers saisi ou une dette de celui-ci résultant d’une décision de justice.

L’arrêt commenté portait spécifiquement sur cette dernière. La cour d’appel justifia la dette du tiers saisi à l’égard du débiteur saisi par l’interprétation d’une décision de justice non explicite à cet égard. En effet, la décision litigieuse avait prononcé la résiliation d’un contrat de vente conclu entre le tiers saisi et le débiteur saisi. Cette décision avait été suivie de la restitution d’une pelle mécanique par le débiteur saisi. La cour d’appel en avait déduit, certainement en se fondant sur les effets de la nullité, l’obligation du tiers saisi de rembourser le prix de vente.

Or, nonobstant les effets de la nullité, l’obligation du vendeur de restituer tout ou partie du prix de vente et le montant correspondant à cette obligation doivent faire l’objet d’une mention expresse par la décision prononçant la nullité. C’est sur cette base qu’un titre exécutoire peut être établi. Encore faudrait-il que la décision judiciaire constatant la dette du tiers saisi à l’égard du débiteur soit revêtue de l’autorité de la chose jugée.

La solution de la CCJA emporte donc la conviction. C’est la première fois, à notre connaissance, que la haute juridiction se prononce sur la dette du tiers saisi résultant d’une décision de justice. La jurisprudence antérieure porte sur le cas spécifique de la dette reconnue par le tiers saisi (CCJA, 2e ch., 25 juillet 2013, n° 062/2013, https://juricaf.org/arret/OHADA-COURCOMMUNEDEJUSTICEETDARBITRAGE-20130725-0622013 ; CCJA, 1re ch., 7 juin 2012, n° 041/2012, file:///C:/Users/brkam/iCloudDrive/Documents%201/Lesite%20Actualité%20du%20droit/2019_08%20Saisie_attribution%20de%20créances%20conditions%20d’application%20de%20l’article%20168%20de%20l’AUPSRVE/Arrêt%20N°%20041%202012.pdf) Ainsi, l’arrêt commenté complète utilement la jurisprudence existante.
Source : Actualités du droit