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Bail à usage professionnel : conditions et sanctions relatives à la cession

Afrique - Ohada
08/01/2020
Le preneur ne peut céder son bail sans en avoir informé préalablement et formellement le bailleur, le défaut d’information étant sanctionné, non par la nullité, mais par l’inopposabilité de la cession au bailleur. L’analyse de Bréhima KAMÉNA, maître de conférences agrégé à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (Mali).
Dans cette affaire, le requérant reprochait à l’arrêt confirmatif n° 538 du 28 novembre 2017 de la cour d’appel d’Abidjan d’avoir ordonné son expulsion en le considérant comme un occupant sans titre ni droit, au seul motif que la cession passée entre le preneur et lui n’avait pas été signifiée au bailleur et serait dans ces conditions inopposable à celui-ci au sens des articles 118 et 119 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général du 15 décembre 2010 (AUDCG). Or, selon lui, la signification succède à la formalisation de la cession et n’a vocation qu’à en faire la publicité. En outre, selon lui, à supposer que la cession non signifiée soit inopposable au bailleur, elle ne demeure pas moins valable entre le cédant et le cessionnaire, lequel dispose dès lors d’un titre créateur d’un droit.
 
L’arrêt n° 010/2019 du 24 janvier 2019 soulève le problème juridique suivant : quelles sont les conditions et les sanctions relatives à la cession du bail à usage professionnel ?
 
Au visa des articles 118 et 119 de l’AUDCG, la CCJA rejette le pourvoi en ces termes : « attendu qu’il résulte de ces dispositions que le preneur ne peut céder son bail sans en avoir informé préalablement et formellement le bailleur, le défaut d’information étant sanctionné, non par la nullité, mais par l’inopposabilité de la cession au bailleur, en ce sens que la cession ne produit aucun effet à l’égard de celui-ci, tout se passant pour lui comme si la cession n’avait jamais existé, même si elle est valable entre les parties ».
 
C’est la première fois, à notre connaissance, que la haute juridiction se prononce sur les conditions et les sanctions relatives à la cession du bail à usage professionnel.
 
À propos des conditions, l’article 118 dispose que : « Si le preneur cède le bail et la totalité des éléments permettant l’activité dans les lieux loués, la cession s’impose au bailleur. Si le preneur cède le bail seul ou avec une partie des éléments permettant l’activité dans les lieux loués, la cession est soumise à l’accord du bailleur. Toute cession du bail doit être portée à la connaissance du bailleur par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire, mentionnant : – l'identité complète du cessionnaire ; – son adresse ; – et le cas échéant, son numéro d'immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier ». 
 
L’article 118 distingue deux cas : la cession du bail et de la totalité des éléments permettant l’activité dans les lieux loués et la cession du bail seul ou avec une partie de ces éléments. Dans le premier cas, la cession s’impose au bailleur, alors que dans le second, elle est soumise à son accord. Dans les deux cas, la cession doit être portée à la connaissance du bailleur par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire. La CCJA apporte des éclaircissements fort utiles quant au moment et à la forme de cette information.
 
Tout d’abord, le bailleur doit être informé de la cession préalablement à la conclusion de celle-ci. Cela est d’autant plus nécessaire lorsque l’acte doit être soumis à son accord, comme c’est le cas dans cette affaire. Un apport important de l’arrêt commenté est que l’information du bailleur est préalable dans tous les cas de cession. Cette solution est pertinente dans la mesure où, même en cas de cession imposée au bailleur, celui-ci a un intérêt évident d’en être préalablement informé.
 
Ensuite, le bailleur doit être formellement informé de la cession. Cette solution permet d’exclure l’hypothèse de l’information tacite soutenue par le requérant. Elle est conforme au texte de l’article 118 qui prévoit deux formes d’information possibles : la signification par acte d’huissier de justice et la notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective. 
 
S’agissant des sanctions, l’article 119 précise qu’ « à défaut de signification ou de notification, dans les conditions de l'article 118 ci-dessus, la cession est inopposable au bailleur ». Cette disposition est claire : la sanction du défaut d’information du bailleur est l’inopposabilité de la cession (v. dans le même sens Ayewouadan A., obs sous CCJA, 1re ch., 24 janv. 2019, n° 010/2019, LEDAF avril 2019, n° 112b0, p. 2). Il en résulte, comme l’a relevé la CCJA, que la cession est valable entre le cédant et le cessionnaire. Cependant, cette validité ne met pas le cessionnaire, en raison de l’inopposabilité de l’acte au bailleur, à l’abri d’une expulsion par ce dernier. C’est là où réside l’une des subtilités de l’arrêt commenté.
 
 
Source : Actualités du droit