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Responsabilité : délai d’appel des secours et faute dans l’organisation du service

Public - Droit public général
03/03/2021
Dans un arrêt rendu le 12 février 2021, le Conseil d’État déclare qu’en cas de malaise d’un élève, les personnels sont tenus d’appeler les secours immédiatement, avant même de prodiguer les premiers soins. Un délai anormalement long pour joindre les services de secours est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique pour faute dans l’organisation du service.
Un enfant est décédé après un arrêt cardiaque survenu durant la pause méridienne dans la cour de son école, malgré des soins prodigués par le personnel de l’école puis par les services de secours.
 
Par un jugement avant-dire droit, le tribunal administratif de Toulouse avait jugé qu’aucun défaut de surveillance des élèves ne pouvait être retenu, mais avait retenu un défaut d’organisation du service résultat d’un délai excessif entre le constat du malaise et l’appel des secours. Après l’expertise, le tribunal avait toutefois jugé que le préjudice résultant d’une perte de chance de survie de l’enfant n’était pas établi. La Cour administrative d’appel (CAA) avait ensuite annulé le jugement avant-dire droit et rejeté l’appel. Les requérants se pourvoient en cassation contre l’arrêt d’appel.
 
Faute dans l’organisation du service
 
Dans son arrêt du 12 février 2021 (CE, 12 févr. 2021, n° 429801), le Conseil d’État note que la cour avait jugé que le délai d’appel des secours n’était pas anormalement long et qu’il n’existait aucune faute dans l’organisation du service, alors même qu’elle avait relevé que les personnels de l’école avaient alerté les services de secours « plusieurs minutes après avoir constaté le malaise puis l’arrêt cardiaque dont était victime le jeune C… et entrepris des manœuvres de réanimation ».
 
La Haute cour déclare à ce propos « qu’il appartenait aux personnels, même s’ils étaient en mesure d’apporter eux-mêmes de premiers secours, d’appeler immédiatement les services de secours ». Elle rappelle également que l’appel des secours dès le constat de la situation est prévu par « toutes les consignes en matière de premier secours ». Ainsi, l’appel des secours dans l’immédiat étant une obligation, la CAA a commis une erreur de qualification juridique en relevant une absence de faute dans l’organisation des services alors que les secours n’ont pas été appelés dans l’immédiat.
 
Absence de défaut de surveillance
 
Le Conseil règle ensuite l’affaire au fond en application de l’article L. 821-1 du code de justice administrative (voir Le Lamy contentieux administrative n° 908 Troisième degré de juridiction - voie de recours extraordinaire).
 
Sur le jugement avant-dire droit ordonné en application de l’article R. 621-1 du CJA (voir Le Lamy responsabilité administrative n° 491), le Conseil considère que l’expertise était utile à la solution du litige, dans la mesure où elle avait permis de déterminer un taux de perte de chance.
 
Sur le fond, le Conseil juge que le délai de dix minutes entre le constat du malaise et l’appel des secours était bien excessif et constitutif d’une faute tenant à un défaut d’organisation du service. En revanche, il n’existe pas de faute tenant à un défaut de surveillance, dans la mesure où l’expertise a relevé qu’e le délai entre le malaise et l’arrivée d’un agent avait été de deux minutes.
 
Absence de lien de causalité entre le défaut dans l’organisation et le décès de l’enfant
 
Le Conseil relève qu’il résulte de l’instruction que les personnels de l’école « dont certains étaient formés aux gestes de premier secours, ont entrepris, de façon appropriée, un massage cardiaque avec ventilation et utilisé un défibrillateur automatique ». Les services de secours avaient ensuite procédé à des manœuvres de réanimation, qui n’ont pas pu empêcher le décès de l’enfant.
 
La Haute cour note que même si le délai d’appel des secours a été excessif, « ce délai n’a pas eu d’incidence sur les chances de survie de l’enfant », qui était atteint d’une maladie cardiaque génétique.
 
Ainsi, même si un défaut dans l’organisation du service est bien caractérisé, ce défaut n’est pas à l’origine du préjudice né du décès de l’enfant. Par conséquent, il n’y a pas lieu à indemnisation.
 
Pour aller plus loin

Sur les jugements avant-dire droit de l’article R. 621-1 du CJA, voir le nouveau Lamy responsabilité administrative n° 491,  sur l’appel contre un jugement avant-dire droit, voir n° 500.
 
Sur l’instruction du dossier, voir le nouveau Lamy contentieux administratif étude 18 (n° 637 et s.)
 
Sur la responsabilité pour faute de l’Administration, voir le nouveau Lamy Responsabilité administrative, étude 2 (n° 33 et s.).
Source : Actualités du droit