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Année européenne du rail : le Parlement européen adopte définitivement la refonte du règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires

Public - Droit public des affaires
10/05/2021
Le Parlement européen a adopté définitivement, le 29 avril 2021, la proposition de refonte du règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires (« DOV »). Ce dernier vise à accompagner l’ouverture à la concurrence du secteur par de nouveaux droits pour les voyageurs en matière d’accessibilité, d’intermodalité ou encore de protection du consommateur. Il limite par ailleurs les possibilités d’indemnisation en cas de force majeure.
Rédigé sous la direction de Claudie Boiteau, en partenariat avec le Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris-Dauphine


 Depuis le 3 décembre 2019 pour les services conventionnés et le 14 décembre 2020 pour les services librement organisés, le transport ferroviaire de voyageurs est ouvert à la concurrence en France, en application des troisième et quatrième paquets ferroviaires européens. Pour que cette concurrence soit porteuse de progrès social, la Commission européenne a présenté, en 2017, une proposition de refonte du règlement (CE) n° 1371/2007 du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.
 
À l’issue d’une procédure de trilogue engagée entre les institutions de l’Union, le Conseil, en janvier dernier, puis le Parlement, en avril, ont adopté en termes identiques cette proposition de refonte, marquant ainsi un moment important de l’année européenne du rail. Le règlement adopté remplacera celui de 2007 et, sauf mentions contraires, entrera en application au terme d’un délai de deux ans, au printemps 2023. 
 
Affirmation de nouveaux droits pour les voyageurs
 
D’une part, le nouveau règlement DOV renforce le droit à l’accessibilité en étendant aux services régionaux l’assistance aux personnes handicapées ou à mobilité réduite dans les gares et à bord des trains. Le délai de réservation d’une demande d’assistance est réduit de 48 à 24 heures et l’indemnisation due en cas de pertes ou de dégradations de l’équipement de mobilité est clarifiée.
 
D’autre part, l’intermodalité est encouragée par l’obligation de disposer d’au moins quatre espaces vélos par train, y compris pour les services régionaux. Il est néanmoins possible d’y déroger pour des raisons de sécurité ou opérationnelles (notamment en heures de pointe), de poids ou de taille. Un refus non justifié ouvre droit à assistance, remboursement et indemnisation du voyageur.
 
Aussi, la protection du consommateur est au cœur du nouveau règlement DOV. En particulier, un cadre spécifique aux « billets directs » (voyages avec correspondance achetés dans le cadre d’une même transaction) est mis en place afin de pérenniser les règles de responsabilité entre les différents acteurs. Par ailleurs, le droit au réacheminement est amélioré : si les possibilités de réacheminement ne sont pas communiquées dans un délai de 100 minutes, les voyageurs pourront acheter eux-mêmes un nouveau billet de transport, par train ou autocar, et se le voir remboursé.
 
Enfin, le système de traitement harmonisé des plaintes des voyageurs, qui garantit l'effectivité des droits conférés par le règlement, est complété. Ce mécanisme, déjà obligatoire pour les entreprises ferroviaires, est étendu aux gestionnaires de gares pour les gares de plus de 10 000 voyageurs par jour.
 
Création d’une clause de force majeure au bénéfice des entreprises ferroviaires
 
En contrepartie de ces droits, une « clause de force majeure » permet aux entreprises ferroviaires de ne pas payer d’indemnités pour cause de retard ou d’annulation en cas de circonstances imprévisibles (par exemple une catastrophe naturelle ou sanitaire majeure), de faute du voyageur ou de comportement d’un tiers si les diligences nécessaires ont été accomplies (par exemple des personnes sur les voies). Il est à relever que les grèves du personnel ne sont pas comprises dans la liste des exonérations.
 
Le transport ferroviaire s’aligne ainsi sur les autres modes de transports publics, ce qui n’était plus le cas depuis 2013 (CJUE, 26 sept. 2013, aff. C‑509/11, ÖBB-Personenverkehr AG, ECLI:EU:C:2013:613).
 
Un texte en retrait par rapport aux propositions du Parlement européen en première lecture 
 
Le texte adopté par les co-législateurs de l’Union se révèle néanmoins décevant au regard des propositions formulées par le Parlement en première lecture, en 2018. Ainsi, le montant minimum de l’indemnisation en cas de retard reste inchangé alors que les députés proposaient une indemnisation intégrale du billet au-delà de deux heures de retard. Aussi, les États membres peuvent toujours exclure les services urbains, suburbains et régionaux du champ d’application de la majorité des dispositions alors que le Parlement entendait réduire les possibilités de dérogations aux seuls services urbains. 
 
Néanmoins, le règlement DOV ne fixe qu’un niveau minimal de protection, les États membres, les autorités organisatrices et les entreprises ferroviaires sont toujours libres d’introduire des règles de protection des voyageurs plus strictes.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements détaillés en matière de régulation des transports, voir Le Lamy Droit public des affairesnos 663 et suivants.
 
Par Alexandra Dayras et Bruno Raimondi
Source : Actualités du droit