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Visite domiciliaire douanière : contrôle de la requête, de l’ordonnance et de sa notification

Transport - Douane
Affaires - Pénal des affaires
17/11/2021
À propos d’une visite domiciliaire effectuée dans le cadre de l’article 64 du Code des douanes, une décision du 4 novembre 2021 de la Cour de cassation valide d’une part l’ordonnance autorisant une telle visite sans mentionner la faculté pour l’auteur présumé des faits de faire appel à un conseil, et d’autre part sa notification à l’opérateur en sa seule qualité d’occupant des lieux lorsqu'il s'agit d'une seule et même personne présente au moment des opérations de visite. Le contrôle de la requête initiale de la Douane pour l’obtention de l’ordonnance est aussi abordé par l’arrêt.
Pour mémoire, l’article 64 du Code des douanes fixe notamment les règles de fond et de forme tant de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) qui autorise la visite domiciliaire chez un opérateur ensuite de la requête de la Douane que du déroulement de la visite, en particulier dans l’affaire ici rapportée s’agissant de la notification de cette ordonnance. En l’espèce, un opérateur veut faire annuler une visite et la Douane veut faire annuler une déclaration de nullité partielle de la visite. Les trois arguments détaillés ci-après sont invoqués à l’appui du pourvoi contre une ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris de 2019 (CA Paris, 27 nov. 2019, n° 18/09545, Easysent c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières). Cette décision a fait notamment l’objet d’actualités dans ces colonnes s’agissant du formalisme de l’ordonnance et de sa notification (voir ci-après).
 
Formalisme de l’ordonnance : défaut de mention de l’auteur présumé
 
L’article 64 précité dispose que l'ordonnance comporte entre autres « la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant, ainsi que l'auteur présumé des infractions (…), de faire appel à un conseil de son choix ».
 
L’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris a retenu que, si une ordonnance autorisant la visite ne reproduit pas la phrase « ainsi que l'auteur présumé des infractions mentionnées au 1 », cette omission n'affecte pas la validité de l'ordonnance, mais qu’il convient d'en tirer toute conséquence en cas de grief invoqué par une partie dans le cadre de la mise en œuvre de la visite domiciliaire : c'est donc dans le cadre d'un recours contre le déroulement de la visite qu'elle peut être invoquée (voir notre actualité).
 
La Cour de cassation valide cette interprétation dans des termes quasi-identiques : l’omission précitée « n'est pas de nature à affecter la validité de l'ordonnance mais (…) il doit en être tiré toute conséquence si un grief est invoqué par une partie dans le cadre d'un recours contre les opérations de visite et de saisies ».
 
Motivation de l’ordonnance : contrôle de la requête de la Douane
 
Selon l’article 64 précité, le juge motive sa décision/son ordonnance par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.
 
Dans cette affaire, selon l’opérateur, la requête initiale de la Douane fait une description volontairement erronée de son activité économique et le juge des libertés et de la détention s'est par conséquent fondé sur des éléments d'information présentés de manière tronquée et déloyale pour autoriser la visite domiciliaire. L’opérateur forme donc un recours contre l’ordonnance en invitant le premier président de la cour d’appel à rechercher si la communication par la Douane au JLD de l'ensemble des informations et documents relatifs à son activité notamment n'aurait pas remis en cause l'appréciation du JLD sur l'existence des présomptions de fraude alléguées. Le premier président de la cour d’appel, pour dire que l'autorisation de visite et de saisie était justifiée, retient que le JLD a procédé à un examen concret des 25 pièces qui lui ont été soumises et en déduit qu'il existait des indices laissant apparaître des présomptions simples de l'existence d'infractions douanières, justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite domiciliaire (il reprend ici une formule classique).
 
En revanche, pour la Cour de cassation, le premier président a privé sa décision de base légale, à défaut de se prononcer sur la portée des pièces produites devant lui par l’opérateur et susceptibles de remettre en cause la description et la nature de son implication dans la constitution du délit reproché, décrites par la Douane dans sa requête présentée devant le JLD. Autrement dit, le premier président devait examiner les pièces fournies par l’opérateur par lesquelles ce dernier remettait en cause la description de la Douane dans sa requête qui avait abouti à l’ordonnance.
 
Déroulement des opérations : contrôle de la notification de l’ordonnance
 
L’article 64 prévoit encore que l'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée après la visite par lettre recommandée avec avis de réception. Une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'auteur présumé des délits douaniers.
 
Pour déclarer irrégulières et nulles les opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de l’opérateur, le premier président de la cour d’appel relève que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention indiquait que cet opérateur avait le droit de se faire assister d'un conseil en sa qualité d'occupant des lieux, mais non en celle d'auteur présumé des faits : le premier président en déduit que cette omission constitue une atteinte aux droits de la défense de l’opérateur, lui causant ainsi un grief (voir notre actualité).
 
Pour la Douane, le fait que l’ordonnance du JLD ait été notifiée à l’opérateur en qualité d’occupant des lieux (mais non d’auteur présumé des faits) est suffisant s’agissant de l’information de son droit de se faire assister par un conseil de son choix, puisqu’il est aussi l’auteur présumé des faits.
 
La Cour de cassation suit l’administration sur ce point : l’article 64 « n'exige pas que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention soit notifiée, lorsqu'il s'agit d'une seule et même personne présente au moment des opérations de visite, à ladite personne, d'une part en sa qualité d'occupante des lieux et, d'autre part, en sa qualité d'auteur présumé des délits douaniers poursuivis ». Aussi, le premier président de la cour d'appel a violé ce texte en retenant une atteinte au droit de la défense en relevant :
  • d’un côté, que, selon le procès-verbal de la Douane, le représentant de l’opérateur avait été informé de son droit de faire appel à un conseil de son choix, sans que soit précisé en quelle qualité (occupant ou auteur présumé) cet avis lui était notifié ;
  • de l'autre, que l’opérateur avait été destinataire, en sa qualité d'auteur présumé des faits, de l'ordonnance ayant autorisé la visite, du procès-verbal relatant les opérations de visite et de saisie ainsi que de l'inventaire des documents saisis.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy Guide des procédures douanières, n° 1010-26, n° 1010-27 et n° 1010-31, dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1693 et n° 1695, et dans Le Lamy Droit pénal des affaires, n° 4165 et s. La décision ici présentée est intégrée notamment à ces numéros dans la version en ligne des deux premiers ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures à compter de la publication de la présente actualité.
 
 
Source : Actualités du droit