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Le devoir de mise en garde du banquier à l’épreuve de la prescription

Civil - Contrat
Affaires - Banque et finance
07/01/2022
Le point de départ de l’action en responsabilité contractuelle du banquier pour manquement à son obligation de mise en garde de l’emprunteur peut être la date de conclusion du contrat ou celle de la connaissance du préjudice lié au manquement de la banque. Distinction et confirmation de la Cour de cassation.
Deux arrêts de la première chambre civile du même jour viennent rappeler les règles de prescription applicables à l’action en responsabilité contractuelle du banquier pour manquement à son obligation de mise en garde de l’emprunteur, distinguant deux situations.

Lorsque l’emprunteur est averti

Dans la première affaire (n° 19-24.436, B), une banque prononce la déchéance du terme d’un prêt immobilier et assigne l'emprunteur en paiement des échéances impayées. Celui-ci sollicite notamment des dommages-intérêts au titre de manquements de la banque à son obligation de mise en garde lors de l'octroi du prêt et également à son obligation d'information et de conseil au titre de l'assurance souscrite.
Ses demandes sont rejetées.

En ce qui concerne le prêt. – La Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel : la banque n’était pas tenue ici d'un devoir de mise en garde à son égard car il était « averti » : à la date de la conclusion du prêt, il était associé majoritaire d'une société et gérant d'une autre dans le domaine immobilier depuis un moment, « l'exercice de ces fonctions lui avait permis d'acquérir une expérience professionnelle et une connaissance certaine du monde des affaires ».

En ce qui concerne le contrat d’assurance de groupe. – Lorsqu'un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe du prêteur pour garantir l'exécution de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d'un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé (C. civ., art. 2224). Sa demande introduite au-delà du délai de prescription quinquennale, était prescrite (voir aussi en ce sens Cass. com., 22 janv. 2020, n° 17-20.819 et Cass. com., 6 janv. 2021, n° 18-24.954).

Lorsque l’emprunteur est non-averti

Dans la seconde affaire (n° 20-18.893, B), une banque consent à un couple un prêt professionnel destiné au rachat d'une licence de taxi. À la suite d’échéances impayées et l’un des époux ayant été placé en redressement judiciaire, la banque assigne l’autre époux en paiement. En appel, celui-ci sollicite des dommages-intérêts au titre d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Les juges du fond rejettent la demande de l’emprunteur, retenant que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit, pour en déduire que le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir dès la date de souscription du contrat et que l’action était par conséquent prescrite.

La Cour de cassation sanctionne cette position : « l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement » (C. civ., art. 2224). La cour d'appel a violé l’article 2224 du Code civil.

Une autre affaire tranchée le même jour (Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, n° 20-17.325, B) va également dans ce sens.
 
Pour aller plus loin, voir le Lamy Droit du contrat, n° 567.
Source : Actualités du droit