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Recevabilité du recours contre la décision de la Commission : précisions sur les critères de l’arrêt Montessori

Public - Droit public des affaires
12/07/2022
En ce qui concerne la recevabilité d’un recours, le Tribunal de l’Union ne peut exiger de la part de la requérante que la preuve d’une potentielle situation concurrentielle désavantageuse.  
Le Royaume de Danemark a adopté une loi en 2013 modifiant la tarification du traitement des eaux usées. En lieu et place d’une redevance unitaire par mètre cube d’eau pour tous les utilisateurs reliés à la même station d’épuration, une tarification dégressive par piliers a été fixée.

Une association professionnelle danoise représentant de petits abattoirs, des grossistes, des boucheries et des entreprises de transformation a déposé plainte auprès de la Commission européenne au motif que ce nouveau dispositif constituerait une « aide d’État en faveur des grands abattoirs sous la forme d’une réduction des contributions pour le traitement des eaux usées ».

La Commission a alors décidé, par une décision du 19 avril 2018, que cette nouvelle tarification « ne procurait aucun avantage particulier à des entreprises déterminées ». L’association professionnelle danoise a alors introduit un recours en annulation de cette décision.

Dans un premier temps, le Tribunal de l’Union a rappelé l’article 263 du TFUE, alinéa 4 qui prévoit deux conditions cumulatives pour autoriser une personne physique ou morale à former un recours contre un acte réglementaire : i) l’affectation directe et ii) l’absence de mesures d’exécution. Sans se prononcer sur la présence de mesures exécutoires, il a considéré le recours irrecevable, en raison de l’absence d’affectation directe de la requérante ou de ses membres. Cet argument sera néanmoins soulevé de façon subsidiaire par les parties défenderesses.
 
Sur l’affectation directe

Dans son moyen au pourvoi, l’association professionnelle a estimé que le Tribunal de l’Union avait méconnu les enseignements qui découlent de l’arrêt Montessori (CJUE, 6 nov. 2018, aff. n° C-622/16P à C-624/16P, Scuola Elementare Maria Montessori c. Commission). En effet, au point 47 de cet arrêt, la CJUE avait considéré que « dans la mesure où la condition relative à l’affectation directe exige que l’acte contesté produise directement des effets sur la situation juridique du requérant, le juge de l’Union est tenu de vérifier si ce dernier a exposé de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de le placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur sa situation juridique ». Le Tribunal de l’Union en avait déduit que l’association requérante devait, pour que son recours soit recevable, « démontrer » quels effets anticoncurrentiels auraient « concrètement » entraînés la nouvelle tarification.

La CJUE s’est opposée à la position du Tribunal de l’Union. Elle a considéré que ce dernier avait « soumis la condition de l’affectation directe à une exigence qui dépasse celle qui découle de l’interprétation donnée par la Cour à cette condition dans l’arrêt Montessori ». Elle a précisé qu’il suffisait, pour la requérante, « d’exposer, de façon pertinente, la potentialité d’une situation concurrentielle désavantageuse ».

La CJUE a donc jugé que la Tribunal avait commis une erreur de droit et annulé sa décision.

Sur les mesures d’exécution

Par ailleurs, de façon subsidiaire, la Commission et le royaume de Danemark demandaient, dans le cas où la CJUE retiendrait l’erreur de droit en ce qui concerne l’affectation directe de l’association professionnelle, de constater que la décision litigieuse comportait des mesures d’exécution. Or, la CJUE s’est opposée au raisonnement des défenderesses. Elle a considéré que, même si, à l’égard des bénéficiaires d’un régime d’aides, les dispositions nationales instaurant ce régime et les avis d’imposition mettant en œuvre ces dispositions, constituent des mesures d’exécution, « cette interprétation n’est pas transposable à la situation des concurrents de bénéficiaires » d’un tel dispositif litigieux.

La CJUE a ici relevé qu’il serait artificiel de demander aux concurrents ne bénéficiant pas de l’avantage litigieux de solliciter cet avantage – tout en sachant ne pas y avoir droit – afin de contester l’acte refusant de faire droit à cette demande afin que les juridictions nationales introduisent une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE.

Sur la recevabilité du recours

Afin de statuer définitivement sur la recevabilité de recours de l’association professionnelle, la CJUE a relevé, d’une part, que la décision litigieuse de la Commission produisait directement ses effets juridiques de manière automatique, et, d’autre part, que l’entreprise dominante sur le marché était soumise à une contribution moins élevée que celle à laquelle sont soumises les entreprises affiliées à la requérante, plaçant ces dernières dans une situation concurrentielle désavantageuse.

La CJUE a également retenu que la décision litigieuse constituait un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et en a déduit que le recours de l’association professionnelle danoise était recevable.
 
Source : Actualités du droit