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Impossibilité de recourir à la QPC pour contraindre à légiférer sur un nouveau sujet

Public - Droit public général
19/10/2022
Dans un arrêt rendu le 10 octobre 2022, le Conseil d’État a annoncé que le recours à une question prioritaire de constitutionnalité ne pouvait pas servir à contraindre le législateur à légiférer sur un sujet autre que celui traité par la loi faisant l’objet de la contestation.
Dans une décision du 10 octobre 2022 (CE, 10 oct. 2022, n° 465977, Lebon T.), le Conseil d’État a refusé d’accéder à une demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant à modifier le régime applicable à la fin de vie et à créer des garanties permettant « de pouvoir mettre fin à ses jours "consciemment, librement et dans la dignité».
 
L’association requérante contestait le refus implicite du Premier ministre d’abroger certaines dispositions du Code de la santé publique (CSP) et demandait le renvoi au Conseil constitutionnel d’une QPC portant sur les articles L. 1110-5 à L. 1110-5-3 du CSP pour incompétence négative. Ces dispositions porteraient atteinte, selon les requérants, à certains principes garantis par la Constitution, notamment le droit au respect de la vie privée, le droit à l’autonomie personnelle et le droit de mourir dans la dignité, « en tant qu’elles s’abstiennent d’instituer des garanties légales de nature à permettre à chacun, au moment de son choix et en dehors de toute situation d’obstination déraisonnable ou de fin de vie, de pouvoir mettre fin à ses jours "consciemment, librement et dans la dignité».
 
Le Conseil d’État rappelle dans sa décision que le grief de l’incompétence négative du législateur ne peut être invoqué que de façon restreinte, si deux conditions cumulatives sont remplies :
  • pour une loi déjà promulguée ;
  • pour contester les insuffisances du dispositif instauré par cette même loi.
Le Conseil d’État déclare (§4) :
« S’il incombe au législateur, lorsqu'il adopte des dispositions, d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34, le grief tiré de son incompétence négative ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité qu'à l'encontre de dispositions résultant d'une loi promulguée et à la condition de contester les insuffisances du dispositif qu'elles ont instaurées, la question prioritaire de constitutionnalité étant destinée à saisir le Conseil constitutionnel de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions législatives applicables et non à contraindre le législateur de légiférer sur un autre sujet que celui traité par les dispositions de la loi contestée ».
 

Il rappelle que la QPC n’a pas pour objet de contraindre le législateur à légiférer sur un nouveau sujet, autre que celui traité par la loi dont les dispositions sont contestées. En pareil cas, le requérant utilise en réalité le prétexte de certaines dispositions pour contester l’inexistence d’autres dispositions, et de cette façon demande la création d’un nouveau régime législatif, comme l’avait indiqué le rapporteur public Guillaume Odinet dans ses conclusions sur une affaire sur laquelle le Conseil a rendu une décision le 12 février 2021 (CE, 12 févr. 2021, n° 440401, Lebon T.)
 
Le Conseil d’État avait ainsi déclaré dans cette décision que le grief d’incompétence négative « ne peut être utilement présenté qu’à l’encontre de dispositions applicables au litige et à la condition de contester les insuffisances du dispositif qu’elles instaurent et non pour revendiquer la création d’un régime dédié ». Dans cette affaire, un prétendant au titre de duc demandait l’annulation d’un arrêté de la ministre de la justice refusant de l’inscrire sur les registres du sceau de France comme ayant succédé à ce titre. Il contestait des dispositions du Code civil, et soutenait que le législateur « en [ne] définissant pas les règles relatives à la transmission des titres nobiliaires (…) avait méconnu sa propre compétence dans des conditions affectant des droits et libertés que la Constitution garantit », et s’était vu opposer un refus de la part de la part du Conseil (voir Actualités du droit, 18 févr. 2021, Impossibilité de recourir à la QPC pour revendiquer la création d’un nouveau régime).
 
Source : Actualités du droit