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Les clauses de gestion de crise dans les contrats de sociétés en droit OHADA

Afrique - Ohada
04/12/2017
Dans la vie de la société, le changement de circonstances est une variable qui s’impose aux différents acteurs sociaux. Tandis que les rédacteurs d’acte sont de plus en plus incités à l’intégrer dans le contrat, le droit OHADA de son côté, met à la disposition du justiciable une technique contractuelle riche et très élaborée favorisant une meilleure anticipation contractuelle. Illustration avec Sylvie Bissaloue, docteur en droit privé, ATER à l’IUT Lyon III.
Qu’il s’agisse de la création de l’entreprise, de la gestion de son activité économique ou même d’opérations plus complexes, telles que les cessions d’actifs ou d’actions, la cotation de sociétés ou encore les fusions-acquisitions, le droit des sociétés est le lieu d’opérations aux enjeux économiques et financiers importants.
 
Celles-ci sont favorisées par le rapprochement d’acteurs variés et d’intérêts patrimoniaux qui ne sont pas toujours conciliables. Si les questions préalables à l’union des parties sont, le plus souvent, résolues dans un climat de relative harmonie, des difficultés essentielles peuvent surgir dès lors que la relation s’inscrit dans une certaine durée. Dans la vie d’une société, les exemples d’incidents de fonctionnement ne manquent pas : la grève de salariés, la perte d’un marché, deux groupes devenus antagonistes qui bloquent toute décision devant permettre de reconstituer le conseil d’administration d’une société. Comment la société peut-elle faire face à ces imprévus et éviter une paralysie définitive de son activité ?  
 
Dans la vie de la société, le changement de circonstances est une variable que les rédacteurs d’acte sont de plus en plus incités à intégrer dans le contrat. Ainsi, la jurisprudence internationale a-t-elle à plusieurs reprise sanctionné le rédacteur d’acte qui avait omis d’intégrer une clause de hardship dans le contrat. Le droit OHADA qui est également très favorable à la stipulation de ces clauses, va jusqu’à intégrer dans ses textes certaines d’entre elles.
 
La faveur du droit OHADA aux clauses de gestion de crise
Tout en réaffirmant le sacro-saint principe de la liberté contractuelle, le droit OHADA ne cache pas son intérêt pour les clauses de gestion amiable du conflit.
 
Le règlement des conflits d’entreprises. Évoluant vers une culture de l’entreprise moins hiérarchique et plus axée sur la concertation plutôt que l’affrontement, les entreprises ont développé une forme de responsabilité partagée qui conduit à davantage de souplesse dans l’approche de résolution des conflits internes (Bréard P., Diriger une équipe, éd. Liaisons, Paris 2004, p. 13). En tant qu’acteur principal de l’entreprise, le salarié n’est plus cantonné dans son traditionnel statut de travailleur, mais se retrouve associé à la gestion de l’entreprise. C‘est l’application de la théorie allemande dite de la « cogestion » qu’on retrouve à l’article 417, alinéa 1er, de l’Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique (AUDSC et GIE) sous le terme de théorie de « l’actionnaire passif » (Pougoué P. G. (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, sous "Actes uniformes", Lamy, 2011, p. 66).
 
Les clauses de renégociation constituent l’outil le plus répandu d’anticipation et de gestion du conflit dans une relation contractuelle. La reconnaissance d’intérêts communs favorise le bon déroulement du processus de discussion. Négocier favorise une forme de responsabilité partagée des acteurs du conflit autorisant des concessions et des engagements réciproques. La nécessité d’une victoire sur le partenaire n’est plus le but recherché. Le choix de la technique de règlement amiable est alors dicté par l’ambition d’un gain de temps et la recherche d’une solution maîtrisée contribuant à renouveler la confiance des différents acteurs sociaux. Cette approche collective de résolution du litige prend également de l’ampleur dans la gestion des conflits avec la clientèle des organismes bancaires.
 
Le droit des sociétés lui-même a progressivement évolué vers une culture du dialogue où primauté est donnée aux moyens juridiques qui permettent d’atteindre une productivité et qui tiennent compte de l’interdisciplinarité des acteurs. Cela se traduit par une répulsion du procès judiciaire au profit d’un règlement amiable du conflit. Ce dernier assure le secret et la confidentialité des données des opérateurs de même que la protection de l’image de marque de l’entreprise. Discipline d’inspiration américaine, l’économie du droit a permis de mettre la négociation au centre de la résolution des conflits économiques. La réduction des coûts de la transaction et la malléabilité de la technique qu’elle permet, répondent aux préoccupations d’efficience juridique nourries dans le monde économique.
 
Le législateur OHADA matérialise sa préférence pour ce mode collaboratif de gestion de conflit d’abord à travers le règlement préventif énoncé aux article 2 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d’apurement du passif adopté le 10 septembre 2015 (AUOPCAP). Le projet d’adoption d’un acte uniforme autonome sur la médiation et la conciliation, l’assouplissement du régime de la clause d’arbitrage sont également des indicatifs. Aux termes de l’article 2 de l’acte uniforme sur le droit de l’arbitrage (AUA), « toute personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont a la libre disposition ». En plus de faire l’impasse sur la distinction traditionnelle de régime entre arbitrage commercial et arbitrage civil, l’AUA étend la faculté d’arbitrage aux personnes de droit public (Meyer P., OHADA, Traité des actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2008 ; Meyer P., OHADA, droit de l’arbitrage, AUF, bruyant Bruxelles, collection droit uniforme africain, 2002, p. 17).
 
L’AUDSC et GIE encourage également le recours à l’arbitrage dans le règlement des différends. Ainsi, l’article 148 dudit acte dispose-t-il que tout litige entre associés ou entre un ou plusieurs associés et la société « peut également être soumis à l'arbitrage, soit par une clause compromissoire, statutaire ou non, soit par compromis ou à d'autres modes alternatifs de règlement des différends ». L’article 296 de l’AUDCG précise que la rupture du contrat « n’a pas d’effet sur les stipulations du contrat relatives au règlement des différends ou aux droits et obligations des parties en cas de rupture ». La jurisprudence se montre fort souple quant à leur validité.
 
La procédure participative. – Le droit français a quelques enseignements à donner à son homologue OHADA sur la question du règlement amiable où il a pris de l’avance. La clause de procédure participative est, sans doute, la plus récente du palmarès français. « Convention par laquelle les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à (la) (sa) résolution amiable » (C. civ., art. 2062, al. 1er), la procédure participative s’inspire de la méthode du droit collaboratif anglo-saxon. L’accord réglant tout ou partie du différend obtenu à l’issue de la procédure participative peut être soumis à l’homologation du juge. En cas d’échec de la procédure, les parties sont dispensées du préalable de la conciliation ou de la médiation rendu obligatoire dans certaines matières (Cass. soc., 17 oct. 2001, n° 99-45.309, Association ONG Opération Burkina sans frontière c/M. Dremont ; en droit béninois, c’est l’article 276 et suivant de la loi n° 2010-11 du 7 mars 2011, portant Code maritime qui organise une procédure de conciliation obligatoire pour tout litige individuel entre un armateur et un marin, tout litige collectif « concernant le contrat d’engagement maritime » devant le directeur de la marine marchande).
 
La procédure participative présente cependant des limites. Elle est strictement encadrée par les articles 2062 et suivants du Code civil. Chacune des parties est ainsi tenue de se faire assister d’un ou de plusieurs avocats. Une telle rigueur et le coût financier qui en résulte la rendent inadaptée aux petits litiges comme notamment les litiges relevant du droit de la consommation.
 
Parce qu’économiquement plus lourde et rallongeant le temps de la renégociation, l’option du recours au tiers dans la renégociation « n’a d’intérêt qu’en raison de la complexité de l’opération réalisée par le contrat, de son onérosité et peut être surtout des particularités de la relation d’affaires ».
 
Les autres clauses de règlement amiable. Bien de clauses s’efforcent également d’accompagner les sociétés dans la résolution du conflit. Les grands classiques du règlement de différends sont les clauses transactionnelles. Les clauses dites « representative trust technique » sont plus connues dans les systèmes anglo-saxons. Leur but est d’atténuer la portée de la clause d’immutabilité dont l’objectif est de faire obstacle à la révision ultérieure du contrat (v. Kevin E. Davis, The demand for immutable contracts : another look at the law and economics of contract modifications, New York University Law Review, volume 81, number 2, May 2006, p. 2).
 
Le droit des sociétés requiert beaucoup de technicité, qu’il s’agisse de gérer l’entreprise ou d’organiser sa transmission (v. Aziber Seïd A., Le changement de la forme sociale dans le cadre du redressement de l'entreprise en droit OHADA, Bulletin Joly Sociétés n° 9, sept. 2013, p. 604). Parce que ce type d’opérations est long et fastidieux, elles sont souvent anticipées contractuellement. Les clauses de garanties de passifs sont l’une d’elles.
 
La clause de renégociation. Bien qu’aucune disposition des actes uniformes OHADA n’aborde directement la question de l’imprévision, l’article 12 de l’Acte uniforme relatif au contrat de transport de marchandises ([Pouvez-vous donner les références de ce texte ?] par route envisage le cas de changement de circonstances depuis la conclusion du contrat. Selon ses termes, lorsque « l’exécution du contrat dans les conditions prévues à la lettre de voiture est ou devient impossible » le transporteur doit sans délai aviser et demander des instructions du donneur d’ordre. C’est bien évidemment aux clauses de hardship qu’il appartient de combler ce vide. La technique contractuelle a fait preuve de beaucoup de créativité dans ce domaine.
 
Malgré une classification rendue impossible par leur grande diversité (v. Bissaloué S., La renégociation contractuelle en droit français et en droit de l’OHADA, thèse AMU, 2016, p. 64, en cours de publication aux éditions PUAM ; Marchans S., Clauses contractuelles, du bon usage de la liberté contractuelle, Helbing Lichtenhahn, 2008 ; Oppetit B., L’adaptation des contrats internationaux aux changements de circonstances : la clause de hardship, Clunet, 1974, p. 794), la doctrine traditionnelle identifie deux catégories de clauses de renégociation : celles fixant une obligation de moyen, (clauses de révision, clauses de renégociation annuelle de prix, clauses de renégociation annuelle avec paramètres et détermination à dire d’expert, etc.), et celles centrées sur le résultat escompté (clauses d’indexation, clauses d’échelle mobile, clauses de stabilisation, la clause loyer recette présente dans les baux commerciaux, clause d’intéressement ou d’earn-out présente dans les cessions de droits sociaux et plus largement, la plupart des formules de « prix proportionnées » (Mousseron J.-M., Techniques contractuelle, Francis Lefebvre, 4e éd., 2010, n° 902, p. 377).
 
Certaines clauses n’envisagent la renégociation qu’accessoirement ou n’en font que le résultat d’un premier objectif. C’est le cas des clauses de force majeure, de la clause d’alignement et des « Cross default clauses ». La clause de cross default est une clause qui lie deux éléments d'un contrat, ou différents contrats. Elle peut ainsi prévoir que si l'entreprise fait défaut sur un crédit, l'échéance du prêt est annulée et l'intégralité du capital devient immédiatement exigible. Un seuil de déclenchement est généralement convenu par les parties. Les clauses d’alignement sont celles qui prévoient l’alignement des termes du contrat sur un autre. Elles évitent que la longueur des relations contractuelles ne fasse obstacle à l’inscription de l’accord dans un contexte concurrentiel évolutif. Elles sont essentiellement au nombre de trois : la clause de l’offre concurrente, la clause du client le plus favorisé et la clause in pari passu.
 
Dans la négociation et la conclusion des contrats, l’évolution de circonstances économiques pendant la période dite de closing (période intermédiaire entre la date de la signature de l’accord et la réalisation effective de l’acquisition projetée), est généralement traitée par des mécanismes contractuels telles que les clauses d’ajustement de prix de cession, ou s’agissant d’accord d’acquisition d’entreprise, les clauses de hardship.
 
L’existence de clause de gestion de crise dans les actes uniformes
Le droit OHADA met à la disposition du justiciable une technique contractuelle riche et très élaborée prenant parfois en compte les spécificités de chaque contrat spécial.
 
La clause de réserve de propriété. – Le législateur OHADA consacre le principe du transfert de la propriété à la livraison de la marchandise vendue. L’article 275 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG) énonce que « La prise de livraison opère transfert à l'acheteur de la propriété des marchandises vendues ». L’article 276 quant à lui, dispose que « Les parties peuvent, toutefois, convenir de différer le transfert de propriété en application d'une clause de réserve de propriété régie par les articles 72 à 78 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ». Ainsi, les parties ont la possibilité de reporter le transfert de propriété par le biais d’une clause.
 
L’article 276 a ici le mérite d’officialiser une pratique largement connue dans la vente commerciale, celle des clauses de réserve de propriété. L’efficacité de ces clauses est cependant condition à son inscription au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM), procédure qui n’est pas toujours réalisée par les parties. Bien au contraire, il est assez rare que la clause de réserve de propriété soit inscrite au RCCM. Ce qui a mérite d’en amoindrir l’efficacité puisque la clause ne sera pas opposable aux tiers (Ngwe M-A., Les apports de l’OHADA en matière contractuelle, in L’entreprise africaine à l’épreuve de la crise : regard des juristes, 3e éd. Du Congrès africain des juristes d’entreprises du 4 au 6 mai 2016 à Cotonou
 
La clause de prix. Le législateur OHADA offre également une grande marge de manœuvre aux contractant favorisant une souplesse dans la détermination du prix de vente. Ainsi, l’article 248 sur la formation du contrat de vente dispose-t-il que « Le contrat peut être valablement conclu même si les parties renvoient la détermination d'une clause à un accord ultérieur ou à la décision d'un tiers » (AUDCG, art. 248, al. 1er). « L'existence du contrat n'est pas compromise par le défaut d'accord des parties sur cette clause ou l'absence de décision du tiers dès lors qu'en raison des circonstances et de l'intention des parties, cette clause est déterminable » (AUDCG, art. 248, al. 2). La clause la plus fréquente à laquelle cette formulation souple ouvre la voie est sans aucun doute, la clause de prix. Celle-ci permet au moment de la conclusion du contrat, soit de confier la détermination du prix à un tiers ou de la subordonnée à des éléments, soit d’envisager la progression du prix initialement convenu (clauses de révision, clauses de renégociation annuelle de prix, clauses de renégociation annuelle avec paramètres et détermination à dire d’expert). D’ailleurs, l’intention du législateur est précisée aux articles 263 et suivants de l’AUDCG qui donnent des indications à la fois sur les éléments que peut contenir la clause de prix et sur son régime juridique.
 
Bien des contrats appartiennent à des groupes desquels il est difficile de les détacher. Tandis que le contrat isolé est évalué selon sa seule dimension, le groupe de contrat s‘inscrit dans un mouvement plus vaste. C’est le cas des contrats de concessions et des contrats de franchises. Dans ces contrats, « Les agents économiques n'apparaissent pas comme des atomes isolés mais comme des maillons d'une chaîne dont ils ne peuvent pas toujours facilement s'affranchir »  (v.  Thierry P., Emmanuel R., Stéphane S., Théories des contrats et réseaux de franchise op. cit., p. 151).  La relation d'affaire qui les unit engendre un lien de dépendance économique, avec pour conséquence que les difficultés des uns entrainent habituellement un phénomène de chaîne paralysant les autres (l’arrêt Cass. com., 12 févr. 2013, n° 12-11.709, SAS, Clé de maintenance industrielle (CMI) c/ SAS Caterpillar, Contrat, conc., consom. 2013, n° 78, obs. Mathey N., Rupture brutale et crise économique : la Cour de cassation approuve les juges de fond d’avoir rejeté l’existence d’une rupture brutale d’une relation commerciale dans la mesure où la diminution significative du volume des commandes du donneur d’ordre en cause, était due à une baisse de ses propres commandes). La nécessité pour le contrat de société d’anticiper cette répercussion sur la chaîne de contrats est encore plus accrus. Bien des clauses offrent aux contrats de société l’opportunité de négocier ou de renégocier, dès lors que la loi ne l’interdit pas. Il arrive toutefois qu’un simple ajustement ne suffise pas. L’évolution de circonstances économiques dans lesquelles est conduite la conclusion définitive du contrat peut rendre celle-ci inopportune ou destructrice de valeurs dans des conditions telles que la seule issue favorable pour les uns et les autres est l’arrêt définitif du projet d’acquisition.  
 
Les clauses de résiliation unilatérales. Lorsque l’une des parties ne désire plus poursuivre la relation, l’existence d’une clause de terme lui permet de se délier du contrat sans avoir à engager sa responsabilité (Mestre J. (dir), Les principales clauses des contrats d’affaires, op. cit., n° 1132, p. 62).  Le droit OHADA offre également bien des atouts.
 
Dans la rupture du lien contractuel, l’AUDCG introduit la notion de « rupture prématurée » ou résolution par anticipation du contrat. Ainsi qu’en dispose l’article 246 « si avant la date de l’exécution du contrat, il est manifeste qu’une partie commettra un manquement essentiel à ses obligations, l’autre partie peut demander à la juridiction compétente la résolution de ce contrat ». L’article 248 du même acte définit le « manquement essentiel » comme étant celui qui cause un préjudice substantiel au créancier de l’obligation et indépendant de tout cas de force majeur d’une tierce intervention.
 
La clause d’inexécution trouve également sa consécration à l’article 245 de l’AUDCG. Quant aux article 285 et suivants, ils envisagent différents cas d’inexécution totale, partielle, de mauvaise exécution ou même d’exécution tardive. Plusieurs sanctions sont également possibles. La partie peut ainsi obtenir du juge de différer l’exécution, de rompre le contrat ou de statuer sur des dommages et intérêts. Le droit de rétention (AUDCG, art. 41, 42 et 43) est également une sanction ou une voie d’exécution forcée qui s’ajoute aux différentes options du créancier de l’obligation.
 
Dans les contrats de société se développent également de plus en plus de clauses ouvrant la possibilité à l’une ou l’autre des parties de résilier unilatéralement de façon anticipée le contrat de société en cas de changement de contrôle de la société. Ces clauses évitent que le changement de contrôle ne nuise aux personnes qui contractent avec la société. C’est le cas de la clause de « contrôle ». Elle est généralement définie comme celle qui interdit à l’une des parties toute cession ou transfert de tout ou partie des contrats à un tiers, sauf à en informer préalablement l’autre partie, voir obtenir son autorisation. Dans un pacte d’actionnaire, par exemple, elles permettent aux actionnaires de contrôler la modification ou la répartition du capital social (v. Mestre J. (dir), Les principales clauses des contrats d’affaires, op. cit., n° 273, p. 175). Leur berceau se trouve dans contrats financiers. C’est le cas de la clause « buy and sell » (v. Blanchard P., Les clauses de changement de contrôle, élément déstabilisation et de sauvegarde, RDAI/ IBLJ, n° 2, 2006, p. 159). C’est également le cas des clauses de retrait qui permettent une sortie de l’associé qui ne souhaite plus faire partir de la société, et des clauses de sortie conjointe qui visent soit à protéger les minoritaires lors d’une vente voulue par les majoritaires, soit à favoriser la vente de l’intégralité des parties exigé par l’acquéreur. Pour protéger l’organisme financier contre des OPA, elles lui fournissent une alternative d’achat ou de vente de titres.
 
La clause de garantie de passif.Tandis que le régime de la clause de dissolution, se fait la part belle dans tout un chapitre de l’AUDSC et GIE (v. AUDSC et GIE, chapitre 1, Clauses de la dissolution, du  Livre 7 Dissolution - Liquidation de la société commerciale), les opérations de fusion-acquisition, de scission et d’apport partiel d’actif sont de leur côté, envisagées aux articles 189 et suivants.
 
La fusion a pour effet la transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît, à la société bénéficiaire de la fusion, dans l’état où il se trouve à la date de l’opération (AUDSC et GIE, art. 189). La scission quant à elle, est l’opération par laquelle le patrimoine d’une société est partagé en une ou plusieurs sociétés existantes (AUDSC et GIE, art. 190). L’apport partiel d’actif permet pour sa part, à une société de faire apport d’une branche autonome de son activité à une autre (AUDSC et GIE, art. 196). Les conséquences d’une telle fiction juridique sont importantes. La fusion confère à la société absorbante la qualité de partie dans les instances engagées par l’absorbée. Elle peut donc se voir opposer la chose jugée à l’égard de la société absorbée (v. en France, Cass. com., 18 févr. 2004, n° 02-11.453, Bull. civ. IV, n° 39). En outre, la société absorbante devient débitrice des créanciers qu’avait auparavant la société absorbée. C’est ici qu’apparaît tout l’intérêt d’une clause de garantie de passif.
 
Conclue au bénéfice de la société absorbante, la clause de garantie de passif permet à la société absorbante de se libérer des obligations dont elle devait hériter en principe, lorsque celles-ci relèvent du champ de la clause. C’est généralement le cas des obligations fiscales qui sont maintenues par le fait de la clause à la charge de la société absorbée (v. en France, Cass. com., 10 juill. 2007, no 05-14.358, Bull. civ. IV, no 192, confirmant Cass. com., 8 oct. 2002, no 99-11.322).
 
Depuis quelques années, sont apparues dans les contrats de sociétés, des clauses d’un genre particulier que sont les clauses de break up fees et la clause de material adverse change.
 
Les clauses de break up fees et la clause de material adverse change.La clause de break up fees et la clause de material adverse change ou clauses d’événements défavorables sont alors les deux principaux mécanismes contractuels utilisés par la pratique dans ces circonstances (v. Dréano Y., Changement de circonstances et remise en cause d’un accord d’acquisition, in Étude à la mémoire de Fernand Charles Jeantet, LexisNexis, 2010, p. 159). En droit bancaire, la clause d’événements défavorables relatives aux déclarations de l’emprunteur permettra ainsi au prêteur, avant l’octroi du fonds, de se délier de ses engagements si un changement significatif affecte les déclarations par l’emprunteur, notamment quant à ses capacités financières, à l’absence de défaut dans les contrats de prêts, à la validité de ses polices d’assurances, à la détention de ses actifs, à l’absence de contentieux ou au respect de la règlementation. L’établissement bancaire anticipe ainsi le risque de défaillance de l’emprunteur dès lors que la rentabilité ne correspond plus aux calculs financiers initiaux de la banque.
 
À l’article de la potestativité, ces clauses font toutefois l’objet de vives critiques doctrinales qui y voient l’expression d’un unilatéralisme excessif « tant leur déséquilibre est flagrant » (v. Mercadal B., À propos de la clause Material adverse change en matière de fusion de sociétés, RJDA 2/3, p.83.). Ces auteurs soulèvent ainsi le fait que le prêteur pourrait s’en servir pour imposer un renchérissement du prêt par l’augmentation du taux d’intérêt, l’octroi de nouvelles sûretés ou des cessions d’actifs. Les banques par leurs soins anticipent également un risque d’insolvabilité de l’emprunteur ou contractualisent la logique financière de la rentabilité. Il est habituel qu’elles les prévoient une syndication bancaire afin de prendre en considération le changement majeur affectant le marché des capitaux. Dans cette hypothèse, la clause s’apparente plus à une condition suspensive ou résolutoire qu’à une déchéance du terme (v. Marty R., Les clauses d’événements défavorables et de déchéance du terme dans les contrats de financement, Material adverse change and cross default clauses, JCP E 2011, n° 12, p. 30 ; P c Rangoon Finance Plc v. Staunton, 2001, EWC, civ. 1466, (2001) 2 AII ER (comm) 1025, cité par Bissaloué S., La renégociation contractuelle en droit français et en droit de l’OHADA, op. cit., p. 112).
 
En France, la Cour de cassation a censuré leur stipulation dans les contrats de consommation sur le fondement de l’ancien article 132-1 du Code de la consommation (devenu, C. consom., art. L. 212-1) sur les clauses abusives (Cass. 1re civ., 1er févr. 2005, n° 03-13.779, Bull. civ. I, n° 60 ; Cass. 1re civ., 27 nov. 2008, n° 07-15.226, Bull. civ. I, n° 275, D. 2009, p. 16, obs. Avena-Robardet V., RTD civ. 2009, p. 116, obs. Fages B.). Avec le nouvel article 1171, issu de la réforme du Code civil du 10 février 2016 (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, JO 11 févr.), cette prohibition pourrait être étendue à l’ensemble des contrats d’adhésion. La jurisprudence anglaise assujettit notamment leur mise en œuvre à la survenance d’un changement décisif d’une importance réelle, et non temporaire (National Westmininster Bank Ltd v. Haleswen Preswork- Assemblies Ltd, House of Lords (1972) AC 785 ; BNP Paribas SA v. Yuko Oil Co (2005) EWHC 1321).
 
Bien des clauses présentent dans les actes uniformes (AU) permettent d’accompagner l’évolution du contrat de société dans le temps. Dans le même temps, le législateur initie une interdépendance entre les différentes matières. Ainsi, l’élaboration d’un contrat de société invite le rédacteur d’acte à se référer non seulement à l’AUDSC et GIE, mais aussi à l’AUA pour ce qui du règlement du différend, à l’acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière (AUDCIF), pour ce qui est du régime comptable, à l’acte uniforme portant organisation des sûretés (AUPOS) pour obtenir une garantie de paiement des loyers ou encore à l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d’apurement de passif (AUOPCAP) pour anticiper sur la fin de vie de la société ou des sociétés partenaires.
 
Notons enfin que la police contractuelle est également organisée par le droit OHADA. Le livre III de l’AUDSC et GIE pose un régime des nullités destiné à protéger la société, ces associés et ses créanciers. Ainsi, l’AUDSC et GIE énumère une liste de clauses réputées non écrites, soit en raison du déséquilibre entre droits et obligations des associés qu’elles initient (AUDSC et GIE, art. 54, al. 2 : « sont réputées non écrites, les stipulations attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, ainsi que celles excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes »), soit en raison du risque de blocage dont elles peuvent être à l’origine (AUDSC et GIE, art. 168). 
Source : Actualités du droit