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Récupération d’une aide d’État : la CJUE répond aux questions préjudicielles du Conseil d’État

Public - Droit public des affaires
03/07/2019
Dans une décision du 13 juin 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a écarté les deux objections préjudicielles soulevées par le Conseil d’État à propos de la récupération d’une aide illégale et incompatible auprès d’un producteur de cerises.
Le cas d’espèce concernait des aides d'un montant de 330 millions d'euros versées entre 1992 et 2002 par la République française aux producteurs de fruits et légumes dans le cadre des « plans de campagne » visant à faciliter la commercialisation de ces produits agricoles récoltés en France dans une période de surproduction.
 
Deux objections…
 
La Commission avait jugé en 2009 (Com. UE, 28 janv. 2009, 2009/402/CE) que ces aides étaient illégales et incompatibles avec le marché commun et avait par conséquent ordonné à la France de les récupérer. Cette décision avait été confirmée par deux décisions du Tribunal de l’Union européenne rendues le 27 septembre 2012 (Trib. UE, 27 sept. 2012, aff. T-139/09, France c/ Commission et T-243/09, Fedecom c/ Commission).
 
Faisant application de ces décisions, l’État français avait entrepris de récupérer les aides illégalement versées aux producteurs, dont la société coopérative agricole Copebi, contre laquelle l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) avait émis un titre de recettes aux fins du recouvrement du montant correspondant au remboursement des aides publiques versées, majoré des intérêts. C’est dans le cadre du litige tendant à faire annuler ce titre de recettes que le Conseil d’État avait émis une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la décision de la Commission du 28 janvier 2009.
 
Précisément, la question était de savoir si la décision 2009/402/CE précitée de la Commission visant les « plans de campagne » dans le secteur des fruits et légumes couvrait les aides versées par l’office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture (Oniflhor) au comité économique agricole du bigarreau d’industrie (CEBI) et attribuées aux producteurs de bigarreaux d’industrie par les groupements de producteurs membres de ce comité. En effet, d’une part, le CEBI ne figurait pas parmi les huit comités économiques agricoles mentionnés au point 15 de la décision de la Commission (qui mentionnait les comités ayant bénéficié des aides litigieuses) et, d’autre part, les aides en cause, contrairement au mécanisme de financement décrit dans ladite décision, étaient financées seulement par des subventions de l'Oniflhor et non pas également par des contributions volontaires des producteurs (dites parts professionnelles).
 
… et deux rejets
 
Dans sa décision, la CJUE écarte les deux objections invoquées et affirme que la décision imposant la récupération des aides couvre bien les aides versées par l’Oniflhor au CEBI.
 
Sur la première objection, à savoir l’absence du CEBI dans la liste des huit comités économiques agricoles mentionnés dans la décision de la Commission, la Cour de justice apporte deux éléments permettant d’écarter ce grief :
– « le CEBI a la même nature juridique que les huit autres comités économiques agricoles mentionnés au point 15 de la décision 2009/402, est régi par les mêmes dispositions nationales, et (…) a bien bénéficié d’une aide versée par le même organisme public, à savoir l’Oniflhor », qui poursuivait les mêmes finalités ;
– « le dispositif de la décision 2009/402 n’est pas circonscrit aux seuls huit comités économiques agricoles mentionnés au considérant 15 de cette décision ».
 
Sur la deuxième objection, selon laquelle le mode de financement des mesures était différent de celui des autres « plans de campagne », la cour, ne remettant pas en cause cet élément, rappelle que les aides en cause au principal avaient été accordées « au moyen de ressources d’État ». Dès lors, les différences relevées dans le mode de financement des aides dont avait bénéficié Copebi ne changent en rien sa qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, partant, ne peuvent lui permettre d'échapper au champ d’application de la décision de la Commission.
 
Pour plus de précisions sur les aides d’État, se référer aux n°s 2203 et suivants du Lamy Droit économique 2019 et aux n°s 782 et suivants du Lamy Droit public des affaires 2018.
Source : Actualités du droit