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Déclaration de patrimoine : l’appréciation rendue par la HATVP est un acte faisant grief

Public - Droit public général
24/07/2019
L’appréciation faite par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sur la déclaration de patrimoine d’un élu constitue un acte faisant grief et susceptible de recours pour excès de pouvoir. Dans son arrêt rendu le 19 juillet, l’assemblée du contentieux du Conseil d’État considère que la Haute autorité a pu légalement émettre une appréciation selon laquelle la déclaration de Marine Le Pen n’était pas exhaustive, exacte et sincère.
Élue députée en juin 2017, Marine Le Pen avait dû adresser une déclaration de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Cette dernière, par une délibération rendue en septembre 2018, avait estimé que la déclaration « ne pouvait être considérée comme exhaustive, exacte et sincère », et invité l’élue Rassemblement national à présenter ses observations. Elle avait ensuite, après une nouvelle délibération, assorti la publication de la déclaration de patrimoine d’une appréciation « constatant l’existence de manquements portant atteinte au caractère exhaustif, exact et sincère de la déclaration ». Marine Le Pen demandait l’annulation de cette seconde délibération.
 
 
Obligation d’évaluation exhaustive, exacte et sincère
 
La Haute cour rappelle les fondements de l’obligation de déclaration de situation patrimoniale. Ainsi, l’article LO 135-1 du code électoral prévoit que le député doit établir « une déclaration exhaustive, exacte, sincère et certifiée sur l’honneur de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses bien propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis ».
 
L’appréciation rendue par la HATVP est une faculté prévue également par le code électoral. L’article LO 135-2 prévoit ainsi que ces déclarations peuvent « être assorties de toute appréciation de la Haute Autorité qu’elle estime utile quant à leur exhaustivité, leur exactitude et leur sincérité »
 
Le Conseil d’État précise que ces dispositions ont pour but de « renforcer la transparence de la vie publique ainsi que les garanties de probité et d’intégrité exigées des élus ».
 
Avant de se prononcer sur la recevabilité du recours à l’encontre de l’appréciation rendue, il déclare que l’appréciation de la HATVP « constitue une prise de position quant au respect de l’obligation d’exhaustivité, d’exactitude et de sincérité qui pèse sur l’auteur de cette déclaration ».
 
 
Recevabilité du recours contre l’appréciation de la déclaration par la Haute autorité
 
Le Conseil d’État reconnaît que l’appréciation n’a pas d’effet juridique, mais accepte cependant qu’elle puisse faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir.
 
Il annonce ainsi : « alors même qu’elle est dépourvue d’effets juridiques, cette prise de position d’une autorité administrative, qui est rendue publique (…) est de nature à produire, sur la personne du député qu’elle concerne, des effets notables, notamment en termes de réputation ». C’est donc l’atteinte à la réputation du député qui justifierait que l’appréciation soit étudiée par les juges. La Haute cour ajoute que les effets de l’appréciation « sont susceptibles d’avoir une influence sur le comportement des personnes, et notamment des électeurs, auxquelles elle s’adresse ». Ainsi, une appréciation en incohérence avec la déclaration produite par l’élu pourrait lui être préjudiciable dans le sens où elle lui ferait perdre des électeurs, et c'est pour cette raison qu'elle peut être soumise au contrôle du juge. C’est ainsi que le Conseil d’État déclare qu’ « une telle prise de position doit être regardée comme faisant grief ».
 
Il permet ainsi un recours contre un acte dépourvu d’effets juridiques et donc non décisoire, mais qui peut avoir des conséquences sur la personne concernée.
 
 
Confirmation de l’appréciation émise par la Haute autorité
 
Sur le fond de l’affaire, le Conseil d’État rejette l’ensemble des moyens présentés par Mme Le Pen. La requérante soutenait notamment que la procédure d’adoption de la délibération de la HATVP était entachée d’un défaut d’indépendance et d’impartialité. Sur ce point, la Haute cour répond que l’appréciation ne constitue pas une sanction et que par conséquent, les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme ne peuvent être invoquées en l’espèce.
 
Il considère également que les droits de la défense ont été respectés puisque l’élue a été mise en mesure de présenter ses observations.
 
Analysant ensuite les éléments pris en compte pour la valorisation de ses biens immobiliers ainsi que la méthode d’évaluation, la Haute cour conclut que « la Haute autorité a pu légalement considérer que les droits immobiliers déclarés par Mme Le Pen n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation exhaustive, exacte et sincère en méconnaissance de l’article LO 135-1 du code électoral ».
Source : Actualités du droit