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La réforme de la Fonction publique validée par le Conseil constitutionnel

Public - Droit public général
01/08/2019
Par une décision rendue le 1er août, le Conseil constitutionnel, saisi par plus de soixante députés de gauche, s’est prononcé sur la loi de transformation de la Fonction publique, et l’a déclarée conforme à la Constitution.
Après un passage en commission mixte paritaire, le projet de loi de transformation de la Fonction publique avait été adopté par les députés le 18 juillet, puis par les sénateurs le 23 (v. notre actualité du 24 juillet, Transformation de la Fonction publique : adoption définitive du projet de loi). Dès le lendemain, les Sages avaient été saisis par des députés des trois groupes de gauche, PS, PCF et Insoumis, notamment sur le principe d’égalité d’accès aux emplois publics ou sur le droit de grève. Huit jours plus tard, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision.
 
Détermination collective des conditions de travail
 
Le Conseil était saisi au sujet du respect du principe constitutionnel de participation des travailleurs, résultant du 8e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
 
En effet, la loi prévoit une réforme des instances de dialogue social. Les députés critiquaient le fait que les commissions administratives paritaires ne soient plus saisies de toutes les décisions individuelles mais seulement de celles prévues par la réglementation, ce à quoi le Conseil a répondu que le principe de participation ne concernait que la détermination des conditions collectives de travail et non individuelles.
 
Les députés interrogeaient également la Haute cour sur le remplacement des comités techniques et comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail par le comité social d’administration (Fonction publique d’État), territorial (Fonction publique territoriale), ou d’établissement (Fonction publique hospitalière). Ils reprochaient au projet le fait que ces comités ne comportent une formation spécialisée en matière de santé qu’au-delà d’un certain effectif. Le Conseil a souligné sur ce point que tous les comités connaîtraient de ces questions, de sorte que le principe de participation est selon lui bien respecté.
 
 
Agents contractuels et principe d’égal accès aux emplois publics
 
Les députés ont également critiqué les articles 16, 18, 19 et 21 de la loi, élargissant les cas dans lesquels, par exception, des agents contractuels peuvent être recrutés pour certains emplois notamment de direction. La Haute cour a répondu sur ce point que la possibilité de recruter par contrat n’était pas contraire au principe d’égal accès protégé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au titre duquel « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
 
 
Encadrement du droit de grève
 
Enfin, l’un des points majeurs sur lesquels portait la saisine du Conseil était le droit de grève, encadré par les dispositions de l’article 56 de la loi pour certains services publics locaux. Les députés soulignaient que la loi permettait de prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre des agents grévistes, et permettaient aux autorités territoriales d’imposer une déclaration de participation. Selon les auteurs de la saisine, ces dispositions seraient contraires au 7e alinéa de du Préambule de la Constitution de 1946 car elles conduiraient « à ce que les conditions d’exercice du droit de grève dans les services publics locaux varient d’une collectivité territoriale à l’autre », et « apportent des restrictions excessives au droit de grève » notamment « en obligeant les agents publics, sous peine de sanctions disciplinaires, à déclarer à l’avance leur intention de participer à une grève ».
 
 À ce sujet, la Haute cour note que le législateur a délimité le champ des services publics soumis au nouveau régime, applicable à la collecte et au traitement des déchets ménagers, au transport publics de personnes, à l’accueil des enfants de moins de trois ans, à l’aide aux personnes âgées et handicapées, etc.
 
Le Conseil constitutionnel souligne dans sa décision que la déclaration préalable d’intention de participer à une grève « n’est opposable qu’aux seuls agents participant directement à l’exécution des services publics et qualifiés d’ "indispensables" à la continuité du service public ». Il estime également que cet encadrement du droit de grève est rendu possible par la constitution, puisque le 7e alinéa du Préambule prévoit que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Il annonce : « en édictant cette disposition, les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle mais qu’il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». Les Sages ont également rappelé que « la continuité du service public (…), tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ».
 
 
Le Conseil déclare donc la loi de transformation de la Fonction publique conforme à la Constitution. Le texte devrait être publié au Journal Officiel dans les prochains jours.
Source : Actualités du droit