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Politique pénitentiaire : où en est-on ?

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
15/11/2019
Une question a été posée à la Garde des Sceaux sur les intentions du Gouvernement en matière de politique pénitentiaire. Une réponse fournie a été apportée …
Un député interpelle la garde des Sceaux sur les points suivants :
  • les personnels pénitentiaires regrettent la disparition des « rotations de sécurité » depuis 2009 permettant le transfert des détenus particulièrement signalés sur de nouveaux établissements ;
  • la nécessité de prendre en compte les préoccupations du personnel pénitentiaire ;
  • améliorer les conditions de détention des personnes incarcérées.
En ce sens, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur ce point mais aussi les orientations à venir dans la réforme pénitentiaire annoncée par la garde des Sceaux.
 
En réponse, cette dernière précise que « le ministère de la Justice accorde d'importants moyens à la sécurisation des établissements pénitentiaires » en accompagnant son propos par le chiffre de 58,1 millions inscrits au titre du PLF 2020 pour « poursuivre le déploiement des systèmes de brouillage des communications illicites, de lutte contre les drones malveillants et de vidéo-surveillance ». Ce budget représente une hausse de 16 % par rapport à l’année dernière (v.Budget de la justice : l’effort d’investissement concentré sur le pénal, Actualités du droit, 30 sept. 2019).
 
Particulièrement sur les drones malveillants, il est précisé que le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale pilote des travaux interministériels, dans le but de trouver des solutions adaptées et évolutives technologiquement. Aussi, « un marché public d'achat de solutions mobiles de lutte anti-drones a été conclu le 7 décembre 2018, pour un déploiement des premiers dispositifs en 2019, afin de protéger les établissements pénitentiaires les plus à risque » précise la ministre de la Justice.
 
Concernant l’utilisation des téléphones portables en détention, la direction de l’administration pénitentiaire:
  • déploie un système performant de détection et neutralisation par brouillage des téléphones portables interdits dans les établissement à l’aide de moyens budgétaires importants (19,9 M pour 2019, 24,8 M en 2020, 30,6 M pour 2021 et 35,5 M pour 2022) ;
  • et élargit les conditions d’accès des détenus à la téléphonie fixe légale sans internet.
La garde des Sceaux rappelle aussi que la loi de programmation et de réforme pour la justice (L. 23 mars 2019, n° 2019-222, JO 24 mars) « a modifié les termes de l'article 726-2 du Code de procédure pénale pour faciliter l'affectation au sein de quartiers spécifiques des personnes détenues majeures dont le comportement porte atteinte au maintien du bon ordre de l'établissement ou à la sécurité publique ». Les personnes concernées bénéficient d’un programme adapté et sont soumises à un régime de détention plus strict, notamment pas des mesures de sécurité renforcée.
 
L’article 88 de la loi prévoit que « L'article 726-2 du Code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 726-2.-Lorsqu'il apparaît que leur comportement porte ou est susceptible de porter atteinte au maintien du bon ordre de l'établissement ou à la sécurité publique, les personnes détenues majeures peuvent, sur décision de l'autorité administrative, être affectées au sein de quartiers spécifiques pour bénéficier d'un programme adapté de prise en charge et soumises à un régime de détention impliquant notamment des mesures de sécurité renforcée
 ».
 
Un décret, « en cours de finalisation » selon la ministre de la Justice, est doit préciser les Conditions d'application de cet article relatif à l’affectation de certains détenus particulièrement signalés au sein de quartiers spécifiques. Particulièrement pour « le régime juridique des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) et des unités pour détenus violents (UDV) ». Néanmoins, la publication de ce décret était envisagée pour le 1er septembre 2019 selon l’échéancier de mise en application de la loi.
 
Les articles 714 et 717 du Code de procédure pénale ont aussi été modifié par la réforme de la justice. L’article 88 de la loi prévoit que :
« L'article 714 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
- « A titre exceptionnel, au regard de leur personnalité ou de leur comportement, les personnes mentionnées au premier alinéa peuvent être incarcérées dans un établissement pour peines lorsque cette décision apparaît nécessaire à la prévention des évasions ou au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements pénitentiaires.
- « Les prévenus peuvent également être affectés dans un établissement pour peines au sein d'un quartier spécifique, dans les conditions prévues à l'article 726-2
».
Mais aussi que, « Le second alinéa de l'article 717 du Code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les condamnés peuvent également être affectés en maison d'arrêt au sein d'un quartier spécifique dans les conditions prévues à l'article 726-2. »    
 
Ainsi, par exception, des prévenus pourront être affectés en établissement pour peines (CPP, art. 714), au sein d’un quartier spécifique, de même que les condamnés en maison d’arrêt au sein d’un quartier spécifique (CPP, art. 726-2).
 
D’autres points concernant le service national du renseignement pénitentiaire sont abordés par la ministre, il est prévu :
  • une formation pour les agents du renseignement pénitentiaire ;
  • le renforcement des effectifs, une centaine d’agents supplémentaires d’ici 2020 ;
  • le renforcement des pôles criminalité organisée et sécurité pénitentiaire à l’échelon central et interrégional du renseignement pénitentiaire, services compétents pour « suivre les détenus particulièrement signalés et/ou susceptibles de porter atteinte à la sécurité des établissements, seront renforcés à l'échelon central du renseignement pénitentiaire comme aux échelons interrégionaux »
« En outre, les moyens juridiques et techniques du renseignement pénitentiaire en matière de prévention des évasions et de sécurité pénitentiaire seront alignés sur ceux de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée avec la possibilité de recourir à l'ensemble des techniques de renseignement, comme l'enregistrement du son ou de la vidéo, dans certains lieux, tels que les parloirs » complète la ministre.
 
La loi apporte aussi la possibilité pour les personnels de surveillance affectés aux équipes de sécurité pénitentiaire de contrôler, sur l’ensemble du domaine de l’établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats, les personnes « à l’égard desquelles il existe une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire » pour limiter les projections d’objets ou de substances interdits.
 
Concernant les fouilles, l’article 92 de la loi du 23 mars 2019 modifie l’article 57 de la loi pénitentiaire (L. 24 nov. 2009, n° 2009-1436, art 57) a été modifié : les personnels pénitentiaires peuvent désormais fouiller par palpation, sans formalisme particulier, mais aussi utiliser des moyens de détection électronique.
 
Le régime dérogatoire des fouilles intégrales, consacré par la réforme de la justice, est justifié lorsqu’une présomption d’infraction existe, ou lorsqu’il existe des risques que le comportement de la personne détenue fait courir à la sécurité ou au maintien du bon ordre.
 
Le dernier point soulevé par la garde des Sceaux est « la réorganisation des services centraux de la direction de l'administration pénitentiaire », entrée en vigueur depuis le 15 juin 2019, qui, « a permis d'apporter une réponse institutionnelle globale au nécessaire renforcement de la sécurité des établissements ». La ministre détaille que « La nouvelle organisation, distinguant le service des métiers et le service de l'administration, consacre une nouvelle approche de la sécurité pénitentiaire par l'évaluation des risques, plus efficiente, une clarification et une fluidification des processus de décision et de pilotage des services et un renouveau des relations entre l'administration centrale et les services déconcentrés ».
Source : Actualités du droit