Retour aux articles

Harcèlement moral : réaffectation possible dans l’intérêt du service ou de l’agent

Public - Droit public général
23/12/2019
Par une décision du 19 décembre publiée au recueil Lebon, le Conseil d’État permet aux employeurs publics, face à une situation de harcèlement moral, de prendre des mesures relatives à l’affectation, à la mutation ou au détachement d’un fonctionnaire victime. Cette possibilité n’est toutefois ouverte que sous certaines conditions.
Un fonctionnaire officier de port avait été détaché pour une durée de cinq ans auprès du port autonome de la Guadeloupe afin d’y exercer les fonctions de commandant de port. À la suite de tensions avec le directeur général du port, l’agent avait déposé une plainte pénale pour faits de harcèlement moral. Le ministre de l’écologie a alors mis fin au détachement et affecté l’agent sur un poste de chargé de mission temporaire à la DREAL de Guadeloupe dans l’attente d’une affectation pérenne.
 
Absence de mesure de réaffectation à l’égard du fonctionnaire victime
 
Le fonctionnaire a ensuite saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe en vue de l’annulation des arrêtés de nomination et des procès-verbaux des réunions de la commission administrative paritaire ayant émis un avis sur sa situation. Il demandait également une injonction à son administration d’origine de le rétablir dans son emploi précédent et de renouveler son détachement, ainsi que la condamnation de l’État à réparer les préjudices qu’il estimait avoir subis. Après le rejet de sa requête par les juges du fond, le fonctionnaire se pourvoit en cassation.
 
Le Conseil d’État rappelle qu’en application de l’article 6 quinques de la loi du 13 juillet 1983, « aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération (…) le fait qu’il ait subi ou refusé de subir [des] agissements de harcèlement moral ».
 
Impossibilité d’atteindre le même but par une autre mesure
 
Toutefois, il vient poser une exception à cette règle, dans l’intérêt du fonctionnaire ou dans l’intérêt du service. En effet, déclare la Haute cour, « si la circonstance qu’un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elles ne font pas obstacle à ce que l’administration prenne, à l’égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l’intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l’égard des auteurs des agissements en cause, n’est de nature à atteindre le même but ».
 
Le Conseil donne un mode d’emploi aux employeurs publics pour les situations de harcèlement moral :
  • le juge administratif doit d’abord rechercher si l’agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ;
  • si tel est le cas, il doit, dans un second temps, « apprécier si l’administration justifie n’avoir pu prendre, pour préserver l’intérêt du service ou celui de l’agent, aucune autre mesure, notamment à l’égard des auteurs du harcèlement moral ».
 
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 décembre 2019, les juges d’appel avaient considéré « que la circonstance que [le requérant] ait fait l’objet d’un harcèlement moral (…) était sans incidence sur la légalité de la mesure mettant fin au détachement de l’intéressé, dès lors qu’il n’était pas soutenu ni même allégué qu’il aurait été victime de harcèlement de la part de son administration d’origine ».
 
Or, le Conseil d’État relève que la cour administrative d’appel n’avait pas recherché si le requérant « avait été victime d’agissements de harcèlement moral (…) et, dans l’affirmative, si son administration d’origine justifiait ne pouvoir prendre d’autre mesure que la mesure litigieuse », commettant ainsi une erreur de droit.
 
Pour en savoir plus sur le harcèlement moral dans la Fonction publique, v. Le Lamy Fonction publique territoriale n° 807-5 et s.
Source : Actualités du droit