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Détermination de la prescription applicable en fonction de la nature de l’action engagée par un tiers à l’opération de construction victime d’un trouble de voisinage

Civil - Immobilier
21/01/2020

► Dans le cadre de travaux de construction, l’action en garantie décennale, dont l’engagement est réservé au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construction agissant sur le fondement d’un trouble anormal de voisinage ; action en responsabilité qui ne constitue pas une action réelle immobilière mais une action en responsabilité délictuelle dont le délai de prescription a été réduit à cinq ans au lieu de dix ans par la loi du 17 juin 2008, de sorte que l’action engagée sur ce fondement, antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi mais dont le délai restant à courir postérieurement à cette date est inférieur à cinq ans et portant sur des désordres stabilisés par des travaux de consolidation réalisés le 31 juillet 2001 sans aggravation ultérieure, est prescrite depuis le 31 juillet 2011.

Après avoir précisé le fondement de l’action en responsabilité engagée par un tiers à l’opération de construction victime, du fait de cette opération, d’un trouble de voisinage, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 16 janvier 2020 (Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 16-24.352, FS-P+B+I), détermine la nature de cette action pour en déduire le délai de prescription qui y est attaché et l’application dans le temps de la loi du 17 juin 2008 faisant réduisant ce délai de dix à cinq ans.

En l’espèce, une SCI a fait édifier des logements après démolition d’anciens bâtiments. Lors de la réalisation de cette opération de construction, du fait de désordres occasionnés aux propriétés voisines par une décompression de terrain, les propriétaires d’un des fonds voisins ont engagé, à l’encontre du maître d’œuvre et des professionnels de la construction intervenus dans les travaux de construction, une action en responsabilité délictuelle fondée sur les troubles anormaux de voisinage.

La cour d’appel ayant déclaré l’action prescrite en rejetant, d’une part, la caractérisation, en l’espèce, d’une part, de l’action réelle immobilière se prescrivant, avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, par trente ans et, d’autre part, le droit d’agir sur le fondement de l’action en responsabilité décennale des constructeurs, les propriétaires victimes ont, alors, formé un pourvoi en cassation. Comme moyen au pourvoi, les demandeurs ont, en premier lieu, allégué le caractère réel de l’action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage en ce que cette action tend, en l’occurrence, à la réparation de désordres affectant la structure même d’un bien immobilier pour, en conséquence, avancer l’application de la prescription trentenaire attachée à la nature réelle de l’action. En second lieu, les propriétaires ont argué, comme fondement de leur action, la garantie décennale dont sont tenus les constructeurs et dont le point de départ commence à courir à compter de la date de réception des travaux.

Confortant la position adoptée par la cour d’appel, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Après avoir affirmé que l’action en garantie décennale des constructeurs, réservée au maître de l’ouvrage, ne pouvait être, dès lors, engagée par un tiers à l’opération de construction agissant sur le fondement d’un trouble de voisinage, la Haute cour confirme le caractère personnel de l’action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage soumise, dès lors, avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, à une prescription de dix ans, réduite à cinq ans par cette loi. Aussi, la Cour de cassation, articulant l’application dans le temps de la loi portant réforme de la prescription civile, déclare l’action prescrite depuis le 31 juillet 2011, dans la mesure où les désordres allégués s’étaient stabilisés, le 31 juillet 2001, par la réalisation des travaux de consolidation sans aggravation ultérieure et que le délai restant à courir à compter de l’entrée en vigueur de cette loi était inférieur à cinq ans.

Source : Actualités du droit