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Bail «loi 1948» : non-lieu à transmission d’une QPC dénonçant la résiliation du bail, introduite par la loi «ENL» de 2006, en cas de décès du locataire ou d'abandon de domicile par celui-ci

Civil - Immobilier
20/01/2020

Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’encontre de l'article 5, I bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, et dénonçant ainsi la résiliation du bail, introduite par la loi «ENL» de 2006, en cas de décès du locataire ou d'abandon de domicile par celui-ci.

C’est en ce sens que s’est prononcée la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 9 janvier 2020 (Cass. civ. 3, 9 janvier 2020, n° 19-40.033, FS-P+B+I).

Formulation de la QPC : "l'article 5, I bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006  porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, et plus particulièrement au principe de non rétroactivité des peines et sanctions, par l'article 4 de ladite déclaration, et plus particulièrement au principe de la liberté contractuelle, par l'article 6 de ladite déclaration tenant à l'égalité entre les locataires, et enfin par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en son dixième alinéa quant au droit de disposer d'un logement décent ?"

Dans sa décision rendue le 9 janvier 2020, la Cour de cassation a estimé que cette question ne présentait pas un caractère sérieux.

Elle relève, en effet, que l'article 5, I bis, de la loi du 1er septembre 1948, en ce qu'il prévoit que le bail est résilié en cas de décès du locataire ou d'abandon de domicile par celui-ci, n'instaure pas une sanction ayant le caractère d'une punition.

En outre, il ne porte pas atteinte aux situations légalement acquises en ce qu'il ne remet pas en cause le droit au bail des locataires qui en sont devenus titulaires avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2006, la résiliation du bail n'étant encourue qu'en cas de décès ou d'abandon de domicile, entendu comme un départ définitif et non concerté, survenus après l'entrée en vigueur de la loi.

L'atteinte aux contrats légalement conclus est limitée dès lors que la résiliation du bail n'est encourue qu'en cas de décès ou d'abandon de domicile par le locataire et elle est justifiée par un motif d'intérêt général visant à mettre fin à la transmissibilité aux héritiers du locataire de baux soumis à un régime locatif instauré pour répondre au contexte socio-économique spécifique de l'après-guerre, qui constitue désormais un frein à l'entretien des locaux par les bailleurs, de sorte que l'atteinte ainsi portée aux contrats légalement conclus n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

La méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle tenant à la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

Enfin, la disposition législative attaquée n'opère aucune discrimination entre les locataires dont le bail est soumis à la loi du 1er septembre 1948, qui tous se voient appliquer les mêmes règles de résiliation du bail. En outre, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, de sorte que ne constitue pas une atteinte au principe d'égalité devant la loi le fait qu'à des locataires ayant ou non abandonné le logement ne soient pas appliqués des règles identiques.

 

Anne-Lise Lonné-Clément

Source : Actualités du droit