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Covid-19 : aménagement des règles de passation et d’exécution des contrats publics par ordonnance

Public - Droit public des affaires
01/04/2020
L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19 a été publiée au Journal officiel du 26 mars 2020.
Cette ordonnance est prise sur le fondement du f) du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Elle adapte les règles de passation et d’exécution des contrats publics afin d’aider les autorités contractantes et les opérateurs économiques à faire face aux difficultés rencontrées pendant l’état d’urgence sanitaire lié à cette épidémie.

À ce sujet, la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances a publié une fiche technique intitulée « Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de procédure et d’exécution des contrats publics pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19 ».
 
Point sur les règles aménagées mises en place en matière de passation et d’exécution de ces contrats.
 
Le champ d’application et la durée de validité de cette ordonnance

Avant de détailler ces règles, il convient, au préalable, de rappeler son champ d’application.

Ce texte vise l’ensemble des contrats de la commande publique : les marchés publics et les contrats de concession y compris ceux qui sont exclus du champ d’application des directives européennes, quel que soit le statut public ou privé de l’acheteur ou de l’autorité concédante.
 
La loi d’habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020 vise les « contrats publics ». Or, la notion de « contrats publics » ne se limite pas aux contrats administratifs. Sont ainsi englobés dans cette notion tous les contrats des personnes morales de droit public ainsi que ceux qui sont conclus par les personnes morales de droit privé répondant à la définition du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice au sens des articles L. 1211-1 et L. 1212-1 du code de la commande publique.
 
En outre, selon l’article 1er de l’ordonnance, ces dispositions sont applicables aux contrats « en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi susvisée du 23 mars 2020, augmentée d’une durée de deux mois ». Ce texte s’applique ainsi aux contrats qui étaient en cours d’exécution à la date du 12 mars 2020 et qui ont pu arriver à échéance ou être résiliés entre le 12 mars 2020 et la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Les dispositions relatives aux procédures de passation des contrats s’appliquent aussi bien aux procédures en cours qu’à celles qui sont lancées pendant la crise sanitaire. L’ordonnance possède ainsi un caractère rétroactif.
 
Elle s’applique aussi bien en France métropolitaine que dans les départements et régions d’outre-mer.
Enfin, l’article 1er de l’ordonnance précise également que « ces dispositions ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ». 
 
Cela signifie qu’il n’y a pas de présomption de force majeure : cette qualification sera faite au cas par cas. Dans ces conditions et selon la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances, « il appartient aux autorités contractantes et aux opérateurs économiques de démontrer que les difficultés qu’ils rencontrent du fait de l’épidémie ne permettent pas de poursuivre les procédures ou l’exécution des contrats dans des conditions normales ».
 
Un aménagement des procédures de passation
 
En cette matière, l’ordonnance prévoit des mesures permettant d’adapter les modalités de mise en concurrence prévues par les documents de la consultation. Elles sont au nombre de quatre :

- l’allongement des délais de réception des candidatures et des offres ;
- l’aménagement des modalités de mise en concurrence ;
- la prolongation de la durée des contrats ;
- la modification des conditions de versement des avances.
 
En raison de l’impossibilité pour certains opérateurs économiques de candidater à un contrat public au vu de la situation sanitaire, l’article 2 de l’ordonnance prévoit un allongement des délais de réception des candidatures et des offres pour les contrats soumis au code de la commande publique. Il appartient ainsi à l’autorité contractante de fixer ces délais « d’une durée suffisante pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner ». Toutefois, si la satisfaction du besoin ne peut être retardée, elle peut décider de ne pas consentir de délai supplémentaire.
 
Au surplus, en cas de non-respect des modalités de la mise en concurrence prévues en application du code de la commande publique dans les documents de la consultation des entreprises, l’article 3 de l’ordonnance prévoit la possibilité de les aménager en cours de procédure. Cet aménagement est envisageable à la stricte condition du respect du principe d’égalité de traitement des candidats.

La prolongation de la durée des contrats est autorisée par l’article 4. Il autorise ainsi la prolongation par avenant des contrats arrivés à terme pendant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire augmenté d’une durée de deux mois lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre. Pour les accords-cadres, la prolongation peut s’étendre au-delà de la durée mentionnée aux articles L. 2125-1 (4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs et 8 ans pour les entités adjudicatrices) et L. 2325-1 (7 ans pour les marchés de défense et de sécurité) du code de la commande publique. Pour les contrats de concession, leur prolongation au-delà de la durée prévue à l’article L. 3114-8 du code de la commande publique (20 ans) est, durant cette période, dispensée de l’examen préalable par l’autorité compétente de l’État.
 
Cet article pose, toutefois, une limite à cette prolongation : elle ne peut excéder la durée de la période d’état d’urgence sanitaire, augmentée de deux mois. À l’issue de son expiration, les acheteurs publics auront la possibilité de la prolonger par la durée nécessaire à la remise en concurrence.
 
Enfin, les acheteurs possèdent la faculté de modifier, par avenant, les conditions de versement de l’avance (art. 5). Son taux peut être porté à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande. De plus, ils ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché.
 
Un aménagement des conditions d’exécution des contrats publics
 
Cette ordonnance prévoit également un aménagement des conditions d’exécution de ces contrats afin de soutenir et de protéger les entreprises rencontrant des difficultés.
 
 L’article 6 prévoit ainsi :
 
- en cas de non-respect par le titulaire du délai d’exécution d’une ou plusieurs obligations du contrat ou que cette exécution dans les délais entrainerait pour lui une charge manifestement excessive, ce délai est prolongé d’une durée équivalente à la durée de l’état d’urgence augmentée de deux mois et ce, sur sa demande avant l’expiration du délai contractuel (art. 6, 1°) ;
 
- lorsque le titulaire est dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat notamment lorsqu’il démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation entrainerait une charge manifestement excessive :
- aucune sanction ne peut être prononcée contre le titulaire (art. 6, 2°, a)),
- aucune pénalité contractuelle ne peut être prononcée (art. 6, 2°, a)),
- sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée à ce motif (art. 6, 2°, a)),
- afin de pallier la défaillance du titulaire, l’acheteur peut faire procéder par un tiers à l’exécution des prestations qui ne peuvent souffrir d’aucun retard et ce, même en présence d’une clause d’exclusivité dans le contrat initial (art. 6, 2°, b)),
- le titulaire du marché initial ne peut engager, pour ce motif, la responsabilité contractuelle de l’acheteur (art. 6, 2°, b)),
- l’exécution du marché de substitution par un tiers ne peut être effectuée aux frais et risques du titulaire (art. 6, 2°, b)) ;

- en cas d’annulation d’un bon de commande ou de résiliation du marché par l’acheteur en raison des mesures prises par les autorités administratives compétentes dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le titulaire peut être indemnisé par l’acheteur des dépenses engagées directement imputables à l’exécution d’un bon de commande annulé ou d’un marché résilié (art. 6, 3°) ;
 
- en cas de suspension d’un marché à prix forfaitaire, l’exécution financière du contrat par l’acheteur est poursuivie selon les modalités prévues au contrat. À l’issue de cette suspension, l’exécution des prestations est reprise par l’entreprise. Les conséquences financières sont déterminées par avenant compte tenu des éventuelles modifications (art. 6, 4°) ;
 
- en cas de suspension d’un contrat de concession, le versement des sommes dues par le concessionnaire à l’autorité concédante est suspendu. Une avance sur les sommes qui lui sont dues peut être versée au concessionnaire (art. 6, 5°) ;

- en cas de modifications significatives d’un contrat de concession et en l’absence de sa suspension, le concessionnaire a droit à une indemnité destinée à compenser le surcoût qui résulte de l’exécution même partielle, du service ou des travaux (art. 6, 6°).

En dehors de ces hypothèses, les stipulations contractuelles restent applicables. Dans le silence du contrat, les conditions d’indemnisation des parties sont celles dégagées par la jurisprudence.
 
 
Pour aller plus loin :
 
Sur la passation des marchés publics, se référer au Lamy Droit public des affaires 2019, nos 1914 et s.,
Sur l’exécution des marchés publics, se référer Lamy Droit public des affaires 2019, nos 2345 et s.,
Sur la passation des contrats de concession, se référer Lamy Droit public des affaires 2019, nos 2927 et s.,
Sur l’exécution des contrats de concession, se référer Lamy Droit public des affaires 2019, nos 3006 et s.
 
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Source : Actualités du droit