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Une collectivité compétente demain peut-elle lancer la procédure de passation d’un contrat aujourd’hui ?

Public - Droit public des affaires
08/07/2020
Une collectivité peut-elle être compétente « avant l’heure » pour engager la procédure de passation d’un contrat de la commande publique qu’elle n’a pas encore la compétence de passer ? C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’État dans un arrêt rendu le 9 juin 2020.
En l’espèce, la métropole Nice Côte d’Azur avait lancé une procédure pour l’attribution de sous-concessions alors même qu’elle n’était pas encore titulaire de la concession à conclure avec l’État. La procédure avait été annulée par trois ordonnances du juge des référés pour incompétence de la métropole, puisque celle-ci n’avait pas encore reçu la compétence antérieurement exercée par la commune. Cette dernière conteste devant le Conseil d’État les ordonnances rendues.
 
L’affaire posait le problème formulé ainsi par Mme Le Corre, rapporteur public : « Une collectivité peut-elle être compétente “avant l’heure“ ? Plus précisément, est-il possible pour une collectivité, non encore compétente mais qui le sera, d’engager la procédure de passation d’une délégation de service public ? ».
 
La Haute juridiction énonce dans son arrêt que le juge du référé précontractuel ne peut « déduire de la seule circonstance que la procédure de passation du contrat est engagée et conduite par une personne publique qui n'est pas encore compétente pour le signer que cette procédure est irrégulière, au motif notamment, s'agissant d'une délégation de service public, que la commission de délégation de service public qui a procédé à l'appréciation des offres serait nécessairement, dans une telle hypothèse, irrégulièrement composée et que la procédure de passation serait nécessairement conduite par une autorité qui n'est pas habilitée à cette fin » (voir en ce sens, notamment, CE, 30 juin 1999, n° 198993).
 
Invité par le rapporteur public à clarifier cette situation pouvant intervenir notamment lors d’une création ou transformation de la collectivité concernée, le Conseil d’État poursuit : « lorsqu'une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l'exécution d'un contrat de la commande publique, notamment parce qu'elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu'une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu'elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu'elle n'est pas encore compétente à cette date pour le conclure ». Étant précisé qu’« il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d'un service public ». La personne publique doit alors faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu'après qu'elle sera devenue compétente à cette fin.
 
Les juges du Palais-Royal ajoutent enfin qu’une personne publique peut « signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l'absence de vice propre, entachée d'irrégularité ».

Cet arrêt était donc bien nécessaire pour clarifier la situation et assurer une pleine sécurité juridique aux collectivités territoriales se retrouvant dans cette situation.
 
En résumé
– Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler la compétence de l’acheteur public qui lance la procédure, ni de de contrôler la validité de la signature du contrat.
– Une personne publique qui en aura compétence à l’avenir peut engager la procédure de passation d’un contrat. Elle doit alors informer les personnes concernées que le contrat ne sera signé qu'après qu'elle sera devenue compétente à cette fin.
– Une personne publique peut signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit.
 
Pour aller plus loin
– Pour des développements détaillés sur le référé précontractuel, voir Le Lamy Droit public des affaires 2020, nos 3007 et suivants.
– Sur les règles de passation des contrats de concession, voir nos 2598 et suivants.
– Nous vous invitons à lire les conclusions de Mme Le Corre sur cette affaire, qui sont disponibles en intégralité sur le site internet du Conseil d’État (ici).
Source : Actualités du droit