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Visite domiciliaire douanière : invalide pour défaut de notification de l’ordonnance au « directeur général »

Affaires - Pénal des affaires
Transport - Douane
12/11/2020
Ayant la qualité de représentant d’une société, un « directeur général » doit se voir notifier par la Douane l’ordonnance du juge des libertés autorisant la visite domiciliaire et remettre une copie intégrale de celle-ci : aussi, en lui reconnaissant seulement le statut de témoin lors de la visite pour justifier son refus de notification de l’ordonnance et de remise de sa copie – ce qui le prive de la possibilité de se faire assister par un conseil – la Douane a violé les conditions de l’article 64 du Code des douanes et le déroulement des opérations de visite et de saisie doit être annulé, selon un arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 octobre 2020.
Dans l’affaire ici rapportée, une demande de visite domiciliaire a été autorisée à la DNRED par le juge des libertés via une ordonnance dans le cadre de l’article 64 du Code des douanes. Selon le procès-verbal de visite, les agents des douanes se sont présentés au siège social de la société visitée et ont été reçus sur place par A qui a déclaré assumer les fonctions de « directeur général » en son sein ; toutefois, ces agents l'ont informé « verbalement » qu'ils agissaient dans le cadre d'une ordonnance du JLD et l’ont désigné comme « témoin », refusant de lui notifier l'ordonnance (ce qu’il a consigné au procès-verbal). A estime que les conditions de l’article 64 précitée n’ont pas été respectées puisqu’il aurait dû en qualité de représentant de l’occupant des lieux se voir notifier l’ordonnance et remettre une copie intégrale de celle-ci, ce qui n’a pas été fait et le prive de ses droits.
 
Le « directeur général » est un représentant…
 
Pour le juge, c’est à tort que les agents des douanes ont conféré la qualité de témoin à A sans vérifier qu'il pouvait être considéré comme l'occupant des lieux ou son représentant, en tant que directeur général au sein de la société. Au surplus, A figure bien en cette qualité sur l'extrait Kbis de la société, pièce que ne pouvait ignorer la Douane qui l'a produite à l'appui de sa requête devant le JLD. Or, toujours selon le juge qui se fonde sur la jurisprudence antérieure et les textes, « cette fonction est susceptible de lui conférer la qualité de représentant de la société ».
 
… selon la jurisprudence
 
Pour sa démonstration, le juge précise que selon la jurisprudence – d’ailleurs pas forcément douanière – de la Cour de cassation :
  • la notion de « représentant des lieux » peut s'entendre des représentants légaux ou d'un salarié bénéficiant d'une délégation (Cass. com., 18 mai 1999, n° 97-30.169) ;
  • « le directeur général est un représentant de la société » (Cass. crim., 12 févr. 1998, Bull. crim. nº 59),
  • « les tiers peuvent se prévaloir à l'égard d'une société par actions simplifiée des engagements pris pour le compte de cette dernière par une personne portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué de la société », citant un arrêt du 9 juillet 2013.
 
… et selon le Code de commerce.
 
Le juge utilise aussi un argument tiré de l'article L. 227-6 du Code de commerce : la société est représentée par son président, les statuts pouvant prévoir les conditions dans lesquelles le directeur général peut exercer les pouvoir du président.
 
Privation des droits et sanctions
 
Par conséquent, en refusant de notifier l'ordonnance du JLD à A et en refusant de lui donner une copie intégrale, la Douane a violé les dispositions de l'article 64. Or, ce dernier prévoit que ladite ordonnance comporte notamment la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix, ce qui fait dire au juge qu’il « est constant que cet article consacre le droit de bénéficier d'une assistance juridique et cela dès le stade de l'enquête préalable et ce, d'autant que le champ d'application des investigations est à ce stade relativement large ». Ainsi, les agents, en conférant à A le statut de témoin et en s'abstenant de lui notifier l'ordonnance, l’ont privé en tant que représentant de l'occupant des lieux d'avoir connaissance des motifs de la visite domiciliaire et de la possibilité de faire appel à un conseil dès le début des opérations, ce qui constitue un grief. Dès lors, il y a lieu de déclarer irrégulières les opérations de visite et de saisie.
 
Remarques
La décision ici rapportée a été rendue sur renvoi de la Cour de cassation (Cass. com., 24 oct. 2018, nº 17-18.554) (voir notre actualité).
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 1010-31 (en création), dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1592 et dans Le Lamy droit pénal des affaires, n° 4186. La décision ici présentée est intégrée aux numéros concernés des deux premiers ouvrages dans leurs versions en ligne sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit